Affaire russe: la contre-attaque de Donald Trump
«L’histoire montre que, à long terme, les fouines et les menteurs ne tiennent pas» JAMES COMEY, EX-DIRECTEUR DU FBI
Le président jette le discrédit sur le FBI et le Ministère de la justice en les accusant d’avoir politisé leurs enquêtes. Cette charge frontale, accompagnée de la déclassification d’un document secret, intervient alors que l’enquête sur l’«affaire russe» se rapproche dangereusement des cercles du pouvoir
Le torchon brûle sérieusement entre Donald Trump et le FBI. Empêtré dans l’«affaire russe», rattrapé par l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur les liens entre son entourage et Moscou dans le cadre de l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine, le président des Etats-Unis a trouvé un nouvel os à ronger. Il s’attaque violemment au FBI, mis en danger par un «mémo confidentiel» de quatre pages qui agite la sphère politique américaine depuis le début de la semaine. Il accuse la police fédérale d’avoir «politisé» les enquêtes en faveur des démocrates.
Quelques minutes après le feu vert
Quelques heures avant d’avoir autorisé, vendredi, la déclassification du document de la discorde, Donald Trump avait lâché un tweet féroce: «Les plus hauts responsables et enquêteurs du FBI et du Ministère de la justice ont politisé le processus sacré d’investigation en faveur des démocrates et contre les républicains.» Il jette le discrédit sur le FBI et la Justice pour tenter de relativiser les accusations dont il fait lui-même l’objet, celles d’avoir bénéficié de l’aide de Moscou et de hackers russes pour être élu. Dans ce climat malsain, l’étau se resserre autour du patron du FBI, Christopher Wray. Le ministre de la Justice, Jeff Sessions, qui a déjà dû se récuser dans l’affaire russe, se retrouve lui aussi dans une situation inconfortable. Son numéro deux pourrait être le prochain fusible à sauter. Robert Mueller, ex-patron du FBI, est également menacé.
Le «mémo Nunes» a été publié par le Congrès quelques minutes seulement après le feu vert de Donald Trump. Il a été rédigé par Devin Nunes, un élu républicain controversé, qui préside la Commission du renseignement de la Chambre des représentants. Il l’a fait contre l’avis des démocrates, du patron du FBI et du Ministère de la justice. La note évoque les écoutes mises en place par le FBI pour surveiller Carter Page, un membre de l’équipe de campagne de Trump en 2016. Le FBI se serait servi d’informations partisanes pour les justifier, selon les accusations des républicains. Le document mentionne un dossier rédigé par Christopher Steele, un ex-espion britannique, hostile à Trump, qui travaillait pour un cabinet payé par la campagne d’Hillary Clinton.
Côté démocrate, cette nouvelle affaire est clairement perçue comme une volonté de discréditer l’enquête de Robert Mueller. Ces derniers jours, Donald Trump faisait l’objet d’une rumeur selon laquelle il aurait cherché à limoger le procureur spécial en juin 2017. Les leaders démocrates se sont fendus d’une lettre au président. Ils avertissent: «Limoger Rod Rosenstein [l’adjoint de Jeff Sessions, ndlr], des dirigeants du Ministère de la justice, ou Bob Mueller, pourrait créer une crise constitutionnelle sans précédent» depuis l’ère Nixon. Ils rappellent aussi qu’une obstruction à la justice peut mener à une destitution.
Peu d’écoles et de rues au nom de McCarthy
Ces jeux de pression ne sont pas sans rappeler le psychodrame du limogeage du précédent directeur du FBI. James Comey avait été fortement critiqué pour avoir, dix jours seulement avant l’élection présidentielle, relancé une investigation sur la manière dont Hillary Clinton avait utilisé sa messagerie privée à des fins professionnelles. Accusé d’avoir influencé l’élection, devenu la bête noire d’Hillary Clinton – elle n’a pas hésité à déclarer qu’elle aurait été élue sans l’interférence de James Comey, de Vladimir Poutine et de WikiLeaks –, il a été écarté quelques mois plus tard par Donald Trump, qui visiblement cherchait à l’éloigner de l’affaire russe. Depuis, James Comey a régulièrement vidé son sac sur Twitter. «Prenez courage: l’histoire montre que, à long terme, les fouines et les menteurs ne tiennent pas, tant que de bonnes personnes se battent. Pas beaucoup d’écoles ou de rues nommées en l’honneur de Joe McCarthy», écrivait-il jeudi. Il a également réagi à l’annonce du départ du numéro 2 du FBI.
Lors de la confirmation de sa nomination devant le Sénat en août, l’actuel directeur l’avait dit haut et fort: il préfère démissionner plutôt que de se soumettre à des injonctions politiques. «Vous ne pouvez pas faire un travail comme celui-ci sans être prêt à démissionner ou à être viré au moment où l’on vous demande de faire quelque chose, ou que vous assistez à quelque chose, d’illégal, d’anticonstitutionnel ou même de moralement répugnant», avait relevé Christopher Wray. L’heure de vérité a peut-être sonné.
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