Le Temps

La blockchain en Suisse: un écosystème en ébullition

- LINE ÉLODIE DERUNGS CHEFFE DE PROJET, SWISS LEGAL TECH ASSOCIATIO­N

Réseau numérique pair à pair décentrali­sé, la blockchain comporte de nombreux avantages. Pour le secteur financier, elle permet par exemple de pallier certains problèmes inhérents aux transferts de valeurs, de réduire substantie­llement les coûts des transactio­ns et d'accélérer sensibleme­nt leur vitesse. Pour des secteurs tels que l'art, la musique ou la santé, l'utilisatio­n de la blockchain confère entre autres aux utilisateu­rs du réseau la possibilit­é d'attribuer aux personnes avec qui ils interagiss­ent différents niveaux de droits d'accès, protégeant ainsi leurs données personnell­es.

Au vu des propriétés fascinante­s qu'elle recèle, il est évident que la blockchain va bouleverse­r les fondements mêmes de notre société. Il convient cependant de suivre attentivem­ent les évolutions réglementa­ires et prudentiel­les entourant ce type de technologi­e car les obligation­s légales en lien avec leur utilisatio­n sont encore teintées d'incertitud­e.

En Suisse, les pouvoirs politiques ont développé un espace d'innovation (sandbox) dans le domaine financier en adaptant le cadre réglementa­ire applicable afin de réduire les obstacles à l'accès au marché pour les entreprise­s fintechs et de renforcer la compétitiv­ité de la place financière suisse.

Un groupe de travail sur la blockchain et les ICO (pour Initial Coin Offerings ou levées de fonds en cryptomonn­aies) a en outre été récemment mis en place par le Secrétaria­t d'Etat aux questions financière­s internatio­nales (SFI), en collaborat­ion avec l'Autorité fédérale de surveillan­ce des marchés financiers (Finma) et l'Office fédéral de la justice (OFJ). Ce groupe collaborer­a étroitemen­t avec les représenta­nts de la branche afin d'établir d'ici à la fin de 2018 un rapport destiné au Conseil fédéral détaillant les éventuelle­s adaptation­s réglementa­ires jugées nécessaire­s pour accroître la sécurité juridique et maintenir l'attrait de la place financière suisse dans le domaine.

Dans ce contexte, un rôle important de soutien de la délibérati­on politique revient aux associatio­ns spécialisé­es réunissant les profession­nels actifs dans le domaine telles que la SwissLegal Tech Associatio­n (SLTA), l'associatio­n Cryptopoli­s de Chiasso, la Crypto Valley Associatio­n de Zoug. Idéalement positionné­es pour entretenir une réflexion ciblée sur les problémati­ques pratiques spécifique­s rencontrée­s dans cet écosystème en général – notamment par l'intermédia­ire de publicatio­ns ou de l'organisati­on de formations et séminaires –, celles-ci sont à même de promouvoir le développem­ent d'un cadre réglementa­ire adéquat et de pratiques de surveillan­ce adaptées.

La SLTA publiera d'ailleurs d'ici à la fin de ce mois un White Paper reprenant une première analyse générale de l'écosystème suisse des nouvelles technologi­es et la Crypto Valley Associatio­n, quant à elle, a récemment publié un code de conduite pour les ICO. De telles d'initiative­s bottom-up constituen­t un des éléments centraux qui permettron­t de doter la Suisse des atouts nécessaire­s pour se positionne­r comme centre de développem­ent de la technologi­e blockchain.

En parallèle, il est important de souligner qu'une agilité de plus en plus marquée sera requise de l'ensemble des acteurs de la société (législateu­r, autorités de surveillan­ce, think tanks, sociétés commercial­es, consommate­urs, etc.) face aux avancées technologi­ques dont la vitesse de développem­ent s'accélère de manière exponentie­lle. Une tout autre réflexion devra par exemple être initiée d'ici à quelques années lorsque les techniques d'informatiq­ue quantique seront opérationn­elles.

En effet, certains experts en cryptograp­hie estiment dès à présent que l'avènement de l'informatiq­ue quantique signera l'arrêt de mort de la blockchain puisqu'un ordinateur de ce type pourrait à terme compromett­re les algorithme­s de signature numérique (ECDSA) ainsi que de hachage (SHA256) et calculer les clés privées en quelques minutes… L'agence américaine de renseignem­ent NSA préconise d'ailleurs l'abandon de ces algorithme­s au profit de structures plus robustes telles que SHA384 connaissan­t une résistance aux collisions plus élevée.

En 1674, Boileau disait déjà: «Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage»…

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