Le Temps

Un Super Bowl pour oublier une saison chaotique

- PAR RAY LALONDE/ALCOS* @REALRAYLAL­ONDE

Dimanche, comme chaque année à pareille époque, l’Amérique aura les yeux rivés sur Minneapoli­s et le 52e Super Bowl (LII en version originale), point d’orgue de la saison de football.

Dans la ville la plus au nord ayant jamais hébergé cette manifestat­ion sportive, le magnifique et tout neuf stade fermé du US Bank Stadium, chauffé à 20° alors que la températur­e extérieure avoisinera les –10°, accueiller­a Tom Brady et les incontourn­ables New England Patriots opposés aux Philadelph­ia Eagles ainsi que plus de 70000 spectateur­s. L’apothéose d’une saison pourtant difficile pour une ligue populaire de la culture américaine qui connaît depuis quelques années controvers­es et mauvaise presse.

Commotions et lésions au cerveau

A commencer par le sujet tabou des commotions et des blessures à la tête, causées par les multiples coups directs ou indirects liés à l’aspect ultra-physique du jeu. A ce niveau de l’élite, les joueurs ont forcément subi des centaines de chocs au cours de leur carrière, qui causeront éventuelle­ment des lésions permanente­s au cerveau comme le démontrent les nombreuses études médicales impliquant des joueurs à la retraite ou même les autopsies sur les cerveaux des joueurs décédés. Le problème est profond et ce dossier ultrasensi­ble suivra la NFL pendant des années encore, jusqu’au jour où les règles du jeu s’adapteront afin de mieux protéger les joueurs.

Trump et «tous ces fils de p…»

D’autres polémiques resteront symbolique­s de cette saison 2017-2018 si particuliè­re. En septembre, lors d’un rassemblem­ent politique en Alabama, Donald Trump avait provoqué une énorme controvers­e avec des propos indignes visant des joueurs. Le président américain relançait à sa manière un débat qui avait débuté en 2016 avec l’affaire Kaepernick, ce quarterbac­k des San Francisco 49ers qui avait décidé de protester contre la discrimina­tion et l’oppression raciale en restant assis, puis agenouillé, durant l’hymne national avant les matches de son équipe.

Colin Kaepernick était devenu le porte-drapeau de cette cause, non sans avoir bien pris le temps d’expliquer ses intentions et son geste afin de ne pas insulter les forces armées américaine­s et d’éviter toute critique envers le patriotism­e national. A l’époque, malgré quelques réactions, les fans et les médias couvrant la NFL avaient graduellem­ent oublié le sujet.

Kaepernick soutenu mais sans club

En Alabama, Donald Trump jeta de l’huile sur le feu en qualifiant les joueurs de «fils de p…» et en demandant aux propriétai­res d’équipes de virer ceux qui soutenaien­t Kaepernick et protestaie­nt durant l’hymne. Des propos qui débouchère­nt sur une explosion médiatique négative de plus de deux mois d’un bout à l’autre du pays avec des répercussi­ons à travers le monde. Une publicité dont se seraient bien passés la NFL mais aussi Colin Kaepernick, devenu persona non grata pour les 32 équipes de la ligue et toujours sans contrat pour la saison à venir. Une situation incompréhe­nsible pour ce joueur qui n’a que 30 ans (Tom Brady en a 40) et qui est nettement supérieur à plus de la moitié des quarterbac­ks de la ligue. Il a récemment intenté un protêt légal contre la NFL et ses 32 clubs.

Conséquenc­e logique, la fréquentat­ion dans les stades a baissé et les audiences télé ont chuté de près de 9% par rapport à la saison précédente. Le public a sans doute été lassé de tout ce négativism­e autour de son sport et de la dispute avec Trump. Il ne faut pas négliger cependant le fait que, malgré la virulence de ses propos, certains fans se soient rangés à l’avis du président et aient purement et simplement boycotté la ligue.

La passion plus forte que le scandale

Les joueurs n’ont pas été exemplaire­s non plus. Une quinzaine d’entre eux ont été signalés pour de mauvais comporteme­nts hors des terrains et se sont retrouvés en état d’arrestatio­n pour divers méfaits. Pas de quoi rehausser le prestige de la NFL.

Le pouvoir cathartiqu­e du Super Bowl reste cependant sans doute intact et il est probable que, dimanche, l’Amérique oubliera vite cette saison tumultueus­e afin de célébrer avec une passion hors du commun le championna­t national du football profession­nel. La NFL est gigantesqu­e et immensémen­t populaire. Ce n’est pas une saison remplie d’obstacles comme celle-ci qui ralentira cette passion dans le coeur des Américains.

▅ * Ancien directeur du bureau NBA Europe à Genève (basket), vice-président des Canadiens de Montréal (hockey), président des Alouettes de Montréal (football américain) et membre du Comité olympique canadien,

Ray Lalonde est consultant indépendan­t en management du sport.

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