Le Temps

Le scénariste, ce solitaire invisible

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◗ Les habitués des Journées de Soleure ne le savent que trop bien: durant les huit jours que dure le festival dédié au cinéma suisse, le soleil se fait le plus souvent invisible. Comme pour mieux pousser les festivalie­rs à se réfugier dans les salles pour échapper aux morsures du brouillard, tandis qu’à Locarno, en août, il faut parfois se motiver pour quitter une terrasse et aller voir un film.

Cette année, à Soleure, il a été question d’une autre invisibili­té, celle des scénariste­s. Le focus «Place au scénario!» s’est cristallis­é autour d’une journée de rencontres et discussion­s. L’occasion pour ces profession­nels de prendre la parole, eux qui souvent s’effacent malgré eux derrière la toute-puissance des réalisateu­rs. Au centre des débats: le temps et l’argent. Car l’un comme l’autre manquent cruellemen­t.

Scénariste de la série Quartier des banques,

Stéphane Mitchell a notamment insisté sur l’importance d’avoir le temps de faire les recherches nécessaire­s avant de se lancer dans l’écriture d’une fiction, tout en relevant que, paradoxale­ment, lorsqu’elle peut prendre du temps pour se documenter, elle n’est quasiment pas payée. A l’instar du cinéaste alémanique Micha Lewinsky, elle prône la création d’une sorte d’institut du scénario à même de pallier le manque de scénariste­s sortant des écoles de cinéma, qui sont dans les faits des écoles d’art formant avant tout des réalisateu­rs. Encore faudrait-il trouver des institutio­ns, des producteur­s et des mécènes prêts à le financer.

Antoine Jaccoud, ancien journalist­e, scénariste, écrivain et dramaturge, a de son côté évoqué le manque de reconnaiss­ance dont jouit un métier exigeant des compétence­s multiples. Ecrire un scénario, c’est avoir des connaissan­ces littéraire­s et dramaturgi­ques, mais également maîtriser des notions liées à la psychologi­e des personnage­s comme à celle des spectateur­s, à la direction d’acteurs, à la place de la caméra, voire à la psychanaly­se. Comment définir un espace qui permettrai­t la formation de jeunes scénariste­s? Antoine Jaccoud se demande s’il ne serait pas possible de s’inspirer de l’Institut littéraire suisse de Bienne, et même de s’y adosser.

Dans un premier temps, commençons par donner une visibilité à ces scénariste­s sans lesquels – pour jouer à La Palice – le cinéma n’aurait pas d’histoires à raconter. Julie Gilbert et Frédéric Choffat ont une solution: My

Little One, film tourné en terres navajos et actuelleme­nt en postproduc­tion, sera «un film de Julie Gilbert et Frédéric Choffat». Elle écrit, il réalise, mais en cosignant ce long-métrage, comme l’envoûtant Mangrove en 2011, ils montrent que la scénariste est aussi importante que le réalisateu­r.

Mettre le nom des scénariste­s en haut de l’affiche: c’est un bon début. ▅

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PAR STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

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