Le Temps

PETROS MARKARIS ET LE MIRAGE GREC

- PAR MIREILLE DESCOMBES

Dans «Offshore», l’auteur de polars qui raconte son pays comme personne invente une fiction politique. La Grèce se retrouve à nouveau en pleine forme. Mais à quel prix…

Dans «Offshore», son nouveau polar, l’Athénien imagine une Grèce qui se retrouvera­it à nouveau en pleine forme. Mais à quel prix…

◗ L’écrivain Petros Markaris, 81 ans, aime profondéme­nt la Grèce, sa gastronomi­e, sa culture, ses excès et ses paradoxes. On pourrait même le soupçonner d’éprouver une certaine tendresse pour les embouteill­ages qui occupent une grande place dans ses livres. Cela ne l’empêche pas de conserver un regard critique. Et pour mettre en scène cette affection pleine d’ambivalenc­e, il recourt volontiers au polar.

Après avoir consacré une passionnan­te trilogie policière à la crise – complétée par un Epilogue

meurtrier paru en 2015 –, Petros Markaris se livre aujourd’hui dans

Offshore à un exercice de politique-fiction. Jamais à court d’idées, cet écrivain – qui fut aussi le scénariste de Theo Angelopoul­os – imagine, dans cette nouvelle enquête menée par le commissair­e Charitos, l’arrivée d’un parti de quadragéna­ires baptisé ETSI, des gens qui, «issus de tous les partis et affranchis de toute pesanteur idéologiqu­e», vont réussir à créer un gouverneme­nt d’unité nationale et à sortir le pays de la crise.

SORTIE DU TUNNEL MYSTÉRIEUS­E

«Il est arrivé ce que personne n’attendait, écrit Petros Markaris. L’argent s’est mis à inonder le marché, le chômage a reculé, pas à pas il est vrai, et les gens étaient contents, non de gagner plus mais de ne pas perdre le peu qu’ils avaient. En quelques semaines, les Grecs ont relevé la tête. Les embouteill­ages ont réapparu, accompagné­s des coups de klaxon et des vilains gestes, tandis que les marchands de voitures exhibaient leurs nouveaux modèles.» Subsiste néanmoins une interrogat­ion, et de taille. D’où vient cet argent? Nul ne peut le dire. Et ceux qui le savent le cachent bien.

Cette question taraude à juste titre le commissair­e Charitos. Après l’avoir suivi dans une dizaine d’enquêtes, le lecteur retrouve avec bonheur cet homme un peu bourru à la probité sans faille et qui, dans ses loisirs et ses moments de désarroi, consulte amoureusem­ent le dictionnai­re de Dimitrakos. Comme toujours, voici donc notre policier, sa femme Adriani, sa fille Katérina, son gendre Phanis et quelques amis fidèles réunis pour discuter et déguster de délicieux repas. En leur compagnie, on savoure notamment les inégalable­s tomates farcies mijotées par l’épouse du policier. Une femme qui, au fil des livres, devient de plus en plus complexe, attachante et lucide et qui, nous confiait Markaris lors d’une rencontre à Athènes, ressemble toujours davantage à sa propre mère.

Dans Offshore, il n’est toutefois pas question que de cuisine. Polar oblige, la mort est elle aussi au rendez-vous. Il s’agit d’abord d’un homme fortement soupçonné de trafic illicite et de corruption, puis d’un armateur, enfin d’un journalist­e fraîchemen­t retraité mais resté très, trop curieux. Et à chaque fois, comme par miracle, la police tombe très vite sur les meurtriers, des émigrés qui n’avaient apparemmen­t pas d’autre motivation que le vol. Le commissair­e Charitos se méfie, il n’y croit pas et voudrait poursuivre l’enquête. Mais que faire quand on est sommé de classer l’affaire par un nouveau sous-chef aussi intrusif qu’autoritair­e? Pour ménager la surprise, nous n’en dirons guère plus. Mais ceux qui aiment croire aux miracles seront déçus. La conclusion imaginée par Petros Markaris n’est guère optimiste.

 ?? (ISOLDE OHLBAUM/LAIF) ?? A 81 ans, Petros Markaris est toujours inspiré par la crise qui ronge son pays, lui qui y avait déjà consacré une trilogie policière. Dans ce nouvel ouvrage, l’auteur n’entrevoit pas d’embellie providenti­elle.
(ISOLDE OHLBAUM/LAIF) A 81 ans, Petros Markaris est toujours inspiré par la crise qui ronge son pays, lui qui y avait déjà consacré une trilogie policière. Dans ce nouvel ouvrage, l’auteur n’entrevoit pas d’embellie providenti­elle.
 ??  ?? Genre | Roman Auteur | Petros Markaris Titre | Offshore Traduction | Du grec par Michel Volkovitch Editeur | Seuil Pages | 298
Genre | Roman Auteur | Petros Markaris Titre | Offshore Traduction | Du grec par Michel Volkovitch Editeur | Seuil Pages | 298

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