Le Temps

ARTHUR H, UN DOUBLE VOYAGE RÊVEUR EN TERRES POP

- PAR OLIVIER HORNER En concert à Lausanne, Les Docks, le 3 mars.

Le chanteur français publie «Amour chien fou», un dixième album où les élans du coeur et du corps s’épousent divinement

Les voyages ne forment pas que la jeunesse. Pour son retour en forme de double album, Arthur H est allé puiser son inspiratio­n à travers le monde. Le dixième enregistre­ment du chanteur français de 51 ans, Amour chien fou, s’est ainsi nourri d’escales à Bali, au Mexique et au Japon pour esquisser ses climats entre orages atmosphéri­ques, brises sensuelles et mélancolie­s divagatoir­es. «Oui, heureuseme­nt la jeunesse peut aussi être un état intérieur. A chaque disque, je me pose en fait la question de savoir ce que je n’ai jamais fait de ma vie et qu’est-ce que je ne sais pas faire. Et là, par une circonstan­ce hasardeuse et magnifique, on a eu l’occasion de faire un tour du monde à partir de Paris. Ce qui était à la fois stimulant et poétique», explique-t-il dans un hôtel genevois en réajustant son chapeau noir.

Et surtout, ajoute le fils de Jacques Higelin, «cela correspond­ait à l’idée initiale de réaliser deux disques, soufflé par ma compagne Léonore Mercier: l’un qui soit constitué de ballades émotionnel­les, sensuelles, atmosphéri­ques, mélancoliq­ues ou cosmiques. Et un autre qui soit disco-punk, déjanté, pop-punk. Ainsi on permettait aux gens de faire deux voyages ou de choisir le sien.»

ALTÉRITÉ CULTURELLE

De cette bourlingue financée en partie grâce à la voix enregistré­e pour une pub d’un site français de vente de vêtements en ligne, Arthur H a avant tout ramené des sonorités plutôt qu’un carnet de bord textuel. «Le Mexique, c’est la fête des morts, la transe carnavales­que, c’est explosif et dansant et cela correspond à Chien fou. Alors que Bali, c’est mystérieux, nocturne, lent, doux, hypnotique et se reflète sur Amour». Deux énergies différente­s qui donnent le la à chacun des disques, symbolisés d’un côté par le titre «Carnaval chaotique» et, de l’autre, par «Le passage (Gong Song)» exclusivem­ent rythmé par des sons de gongs.

Se révèle-t-on vraiment plus attentif et perméable lorsqu’on part dans l’optique de créer? «Je pense qu’un voyage est principale­ment intérieur. J’ai remarqué à quel point on voit ce qu’on est capable de voir. On trouve ce que l’on est venu chercher. Malgré la surprise du voyage. Mais on absorbe sans doute le monde avec le prisme de l’artiste ou du poète en création. La beauté du voyage vient du fait qu’il y a une altérité sociale, culturelle indépassab­le et en même temps on vient chercher ce qu’on a à l’intérieur de nous, qui est très familier, intime, qu’on a perdu de vue ou qui n’est pas assez stimulé. On vient ainsi se reconnecte­r avec cette dimension, se rappeler qui l’on est.»

Paradoxale­ment, Amour chien fou ne recèle aucune chanson liée au périple d’Arthur H. «Ce voyage était plutôt une espèce de surstimula­tion sensoriell­e, visuelle, sonore, émotionnel­le avec l’idée de revenir gonflé à bloc. Après, les histoires sont très personnell­es, intimes. Ce n’est pas un carnet de voyage mais plutôt des impression­s, des états d’être qui ont nourri le disque de manière très souterrain­e.»

AUTOCITATI­ONS

Ni «Reine de coeur», «Dame du lac», «Assassine de la nuit», «Moolove déesse», «Super héros de l’instant zéro» ou «Boxeuse amoureuse», personnage­s croisés au fil de cet album janus, ne sont donc nés sur la route. «La Boxeuse amoureuse», c’est ma mère, ou disons une chanson inspirée par ma mère. Une femme des années 60 avec toute cette exploratio­n fabuleuse qu’elle a pu connaître en essayant de réinventer les rapports humains. Avec toutes ses réussites, ses échecs, ses histoires d’amour flamboyant­es, ses divorces. C’est une capacité féminine merveilleu­se de toujours remonter la pente, retrouver une forme de joie, d’innocence, de naïveté malgré les épreuves de la vie. C’est une chanson sur la résilience en somme.»

Cette déclaratio­n d’amour singulière se conjugue avec une autre effusion de sentiments pour le cercle familial («Brigade légère») et évoque d’autres personnes chéries, comme la défunte chanteuse Lhasa («Sous les étoiles à Montréal») ou la fictive Lily Dale, l’une des belles icônes rêvées de l’album Négresse

blanche (2003), qu’Arthur H ressuscite cette fois de façon très gainsbouri­enne («Lily Dale symphonie») et qui le rend à la fois triste et joyeux, à l’image des atmosphère­s d’Amour chien fou. Le chanteur s’autocitant une fois de plus, comme il aime à le faire et comme il l’avait déjà divinement fait avec sa Lady of Shangai apparue successive­ment sur Adieu tristesse

(2005) et L’Homme du monde (2008): «C’est une façon de sortir une chanson de son île isolée. Je suis pour faire des liens, connecter des choses ensemble. Une chanson peut aussi être une histoire qui dure toute la vie, avec des personnage­s qu’on peut suivre. C’est comme dessiner une carte poétique pour aller d’un pays à un autre, d’une époque à une autre pour moi. Je le fais naturellem­ent, pour créer des images poétiques, des relations.» ▅

«Je suis pour faire des liens, connecter des choses ensemble. Une chanson peut aussi être une histoire qui dure toute la vie»

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(YANN ORHAN)
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Arthur H, «Amour chien fou» (Believe).

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