UN CRIME SUR PELLICULE
L’éditeur Sonatine publie un polar anglais de 1937, inédit en français. L’enquête sur un supposé meurtre dans un studio de cinéma vire à la quête du sens du roman policier
◗ A bien des points de vue, Sonatine propose une curiosité. Coupez! est un roman inédit en français, paru en 1937 en Grande-Bretagne, d’auteur inconnu. Plus exactement, d’auteur réfugié derrière son pseudonyme, puisque Cameron McCabe est aussi le nom du personnage principal. En outre, le livre lui-même se révèle original par sa construction, avec une longue auto-exégèse après l’exposition de l’intrigue, et la résolution supposée du mystère.
LA DRÔLE DE CONSIGNE
Dans la fiction, ledit Cameron McCabe est un monteur de cinéma. Il vit dans la Londres agitée des années 1930, entre automobiles frétillantes et soirées enfumées au son du blues en plein débarquement. Un jour, le producteur d’un film sur lequel travaille le héros lui donne une troublante directive: supprimer toutes les apparitions d’une jeune actrice montante. Le film, qui devait conter une histoire de trio amoureux, perd un élément du triangle. Pendant la nuit qui suit, la vedette en herbe est retrouvée morte dans le bureau d’un autre monteur.
Enquête. Un policier à l’esprit aussi sinueux que le narrateur s’attelle à démonter les propos des uns et des autres. Le producteur lui-même est-il suspect? Qu’en est-il de l’autre monteur? Quel rôle joue un trouble ingénieur du son? L’acteur de la romance sur grand écran, qui retourne prestement dans sa Norvège natale, a-t-il une part de responsabilité dans ce drame? Et que dire de la pellicule trouvée dans une caméra sur le lieu du supposé crime, laquelle, par un mécanisme automatique, aurait pu filmer tout ou partie de l’événement?
JEU LABYRINTHIQUE
Un peu dandy, Cameron McCabe se pique de mener son enquête. Le policier, pour sa part, entame un jeu labyrinthique avec son principal suspect. Au fil de l’investigation apparaît un vieux journaliste, qui donne quelque épaisseur historique à ce drame, en rappelant un fait divers de jadis.
Et voici que ce vénérable observateur acquiert une importance considérable. Après une séquence au tribunal, une fois que l’intrigue est réglée, ou semble l’être, l’aîné devient commentateur du roman par le fait d’une postface incorporée par la suite au livre, citant même des critiques, évidemment fictives, du roman. L’enquête policière se fait interrogation sur la nature du roman policier et ses artifices. Une préface de Jonathan Coe ainsi qu’une postface – une vraie, cette fois – dévoilent l’identité du romancier. Ce qui n’enlève rien à la singularité de Coupez!