Le Temps

Les leaders religieux doivent défendre l’égalité des sexes, parole de rabbin

- FRANÇOIS GARAÏ RABBIN, GENÈVE

Depuis la fin de l’année dernière, nous assistons à des joutes verbales et à des accusation­s au sujet de la violence faite aux femmes. Et puisque les religions sont un des fondements de nos sociétés, elles portent une responsabi­lité certaine.

Ainsi, lorsqu’on lit le premier chapitre de la Bible, nous apprenons que Dieu créa l’humain, mâle et femelle il LES créa (Genèse 1). Ce verset insiste donc sur l’égalité fondamenta­le entre l’homme et la femme. Pourtant, dès le deuxième chapitre, cette égalité semble battue en brèche. Une lecture attentive permet de dire que l’homme et la femme ont été séparés pour devenir des individus indépendan­ts l’un de l’autre. Cependant, le texte rapporte que, voyant Eve, Adam déclare: elle est chair de ma chair et os de mon os, ce qui est réducteur. Or l’hébreu permet une autre lecture: elle est chair de ma chair et substance de ma substance. Cette seconde version confirme alors une vision égalitaire entre l’homme et la femme.

Cependant la plupart des textes et des pratiques juives et chrétienne­s ont relégué la femme au second rang. Certains ont loué sa perfection pour mieux l’enfermer dans l’enclos du domaine privé. En cela ils l’ont disqualifi­ée, ne lui permettant pas d’agir à sa guise et la considéran­t, juridiquem­ent, comme une mineure à vie. D’autres diront qu’aujourd’hui, une femme peut très bien agir librement dans le domaine public et que cela suffit. Or il a fallu attendre la deuxième moitié du siècle dernier pour que des femmes deviennent pasteure ou rabbin. Mais elles ne peuvent être ni curé, ni imam, ni bonzesse, ni rabbin «orthodoxe».

Il ne faut pas s’étonner que les femmes se retrouvent souvent discriminé­es et objets de la convoitise de certains hommes. Pourtant il faudrait que ces derniers réalisent leur fragilité car harceler une femme, violer une femme, c’est être esclave de ses pulsions, c’est se corrompre soi-même. Avec une grande différence car être victime de ses propres faiblesses, c’est en être soimême responsabl­e, alors qu’être victime de la violence de l’autre, c’est être déshumanis­é par l’autre.

Nous sommes des êtres sociaux et la relation avec l’autre, quel qu’il soit ou quelle qu’elle soit, me construit comme elle construit l’autre. Elle peut aussi bien me déconstrui­re et déconstrui­re l’autre. Dans une relation vraie entre un homme et une femme, les deux individus s’approchent l’un de l’autre, se regardent, se parlent, s’écoutent et s’acceptent mutuelleme­nt ou non. Puis ils se joignent, donnent et reçoivent du plaisir et, au-delà du plaisir, accordent et recueillen­t du bonheur. Dans une telle relation la domination doit être exclue comme doit l’être la soumission. Et cela concerne la relation intime entre deux personnes de sexe différent ou non.

Pour en arriver là, il faut parfois faire fi de textes de nos traditions, même si certains prétendent qu’ils furent dictés par Dieu. Dans la Bible, il faut oblitérer celui évoquant le viol. Il précise que lorsque la victime est une femme vierge, le violeur doit l’épouser et ne peut pas se séparer d’elle, ni elle de lui, ce qui est un comble! (Deutéronom­e 22) De même de nombreux récits bibliques, tel que celui de la relation adultérine entre le roi David et Bethsabée (2 Samuel 11) décrivent une dérive immorale. Ceci pour prendre seulement deux exemples de la tradition biblique.

Il faut considérer nos traditions avec distance et insister sur une approche renouvelée de nos textes. Cette approche devrait déboucher sur l’instaurati­on incontourn­able de l’égalité entre la femme et l’homme. Cela devrait ouvrir à la possibilit­é de voir des femmes occuper tous les échelons de nos systèmes religieux comme civils et être traitées, dans tous les domaines, indifférem­ment de leur sexe. Tant que nos sociétés religieuse­s et civiles appliquero­nt une inégalité de droit ou de fait entre les hommes et les femmes, la violence perdurera car certains hommes continuero­nt à considérer la femme comme inférieure. Il est donc indispensa­ble que les organismes civil, religieux ou autre, soulignent par leur fonctionne­ment que les femmes sont les égales des hommes. Dans cette évolution vers l’égalité et la complément­arité, le rôle des hommes est essentiel.

Le jour où la séduction sera aussi bien l’apanage des femmes que des hommes, elles pourront être elles-mêmes et les hommes n’auront plus besoin d’exprimer un supposé sentiment de puissance et de supériorit­é qui, au lieu de les grandir, les avilit. Cela sera un bien pour les femmes comme pour les hommes.

Les affaires de harcèlemen­t sexuel et de viol qui ont été révélées au grand jour peuvent nous rapprocher du temps où chacun pourra dire, positiveme­nt cette fois: #MeToo.n

Il faut parfois faire fi de textes de nos traditions, même si certains prétendent qu’ils furent dictés par Dieu

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