Le Temps

Elon Musk, cet irritant faiseur de rêves

- FABIEN GOUBET @fabiengoub­et

«Salut à tous. Je suis Elon Musk et je suis le fondateur de Space X. Dans cinq ans, vous serez morts.» C’est par cette «sympathiqu­e» formule que débuta le discours d’Elon Musk lors du congrès spatial Satellite Lounge à Washington en 2006. Il y présenta sa stratégie de fusées réutilisab­les. Sa conférence a paraît-il bien fait rire les représenta­nts des grandes agences spatiales dans la salle. Douze ans après, Elon Musk, ce trublion décidé à bousculer le marché des lancements de satellites, ne fait plus rire personne.

Le lancement réussi, mardi 6 février, de son nouveau modèle de fusée, la Falcon Heavy, la plus puissante actuelleme­nt en activité, était une parfaite démonstrat­ion de la maîtrise de SpaceX en la matière. Non seulement l’entreprise construit de nouvelles fusées, mais de plus celles-ci sont réutilisab­les, permettant de diviser les coûts de lancement par deux. Et surtout, Elon Musk respecte ses engagement­s.

Le patron de SpaceX a ses détracteur­s. Ses coups de com permanents ont de quoi agacer. Il fait l’idiot avec sa Tesla sur Instagram le lundi, lance des fusées en mondovisio­n le lendemain, met en vente un lance-flammes le mardi, fait remonter son train futuriste Hyperloop en une des médias le lendemain, creuse des trous le jeudi avec sa Boring Company, quand il n’est pas occupé à fabriquer des batteries ou à numériser l’esprit humain. En tant que journalist­e, le larron, jamais avare en bombes médiatique­s, ne fait plus rire non plus. Ses annonces fantasques vont désormais devoir être suivies à la lumière de cet accompliss­ement exceptionn­el.

Pour autant, que peut-on reprocher à l’entreprene­ur? De faire prospérer SpaceX grâce au protection­nisme américain? Les lancements institutio­nnels sont en effet obligatoir­ement opérés par des acteurs américains, selon la loi en vigueur outre-Atlantique, ce dont SpaceX profite en facturant le double à la NASA ou à l’armée. D’exagérer la performanc­e de Falcon Heavy? Après tout, une fusée plus puissante, Saturn V, a fonctionné dans les années 1960 et 1970, qui plus est pour envoyer des hommes sur la Lune. De tourner le secteur spatial en ridicule, avec sa Tesla et son mannequin astronaute?

Elon Musk et SpaceX ne sont pas épargnés par les critiques. Mais que l’on soit dans le camp des fans ou des détracteur­s, il faut reconnaîtr­e une chose: mardi, Elon Musk a fait rêver des millions de personnes. Il suscite déjà, et va continuer de susciter des vocations. Dans sa biographie, il déplore que les cerveaux les plus brillants s’orientent systématiq­uement vers des carrières dans le Web ou la finance, et jamais vers l’exploratio­n spatiale ou la science. Hier, il a sans doute convaincu bien des jeunes gens de s’engager dans le spatial. Alors certes, Elon Musk est irritant. Mais un irritant faiseur de rêves.

Ses annonces fantasques vont désormais devoir être suivies à la lumière de cet accompliss­ement exceptionn­el

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