Le Temps

Gros vol de données chez Swisscom

Les données de 800 000 clients, dont leurs nom, date de naissance et numéro de téléphone mobile, ont été volées chez un partenaire de l’opérateur. Ces informatio­ns pourraient être utilisées pour commettre des actes délictueux

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Les données de 800000 clients de Swisscom ont été dérobées. A l’occasion de la présentati­on de ses résultats annuels, l’opérateur a annoncé que l’un de ses partenaire­s s’est fait voler ces informatio­ns «pas particuliè­rement sensibles» où figurent noms, adresses, dates de naissance et numéros de téléphone. L’opérateur dit avoir pris des mesures et permet à ses clients de vérifier par eux-mêmes s’ils ont été victimes de cet acte.

Il suffit d’une seconde et d’un SMS à un client de Swisscom pour savoir si ses données ont été volées. Mais si ses informatio­ns sont bel et bien en mains de pirates informatiq­ues, les conséquenc­es pourraient survenir aujourd’hui comme dans plusieurs semaines. Mercredi, l’opérateur a annoncé que les données de 800000 de ses clients ont été dérobées. Les noms, adresses, dates de naissance et numéros de téléphone mobile de ces personnes sont détenues par des voleurs dont l’identité est encore inconnue.

Pour savoir si l’on est touché, il suffit d’envoyer un SMS avec le texte «info» au numéro 444. Immédiatem­ent, Swisscom répond par SMS qu’il n’y a pas de souci. Mais dans certains cas, l’opérateur envoie ce message: «Vos données client ont été détournées (sic). Swisscom n’a constaté à ce jour aucune utilisatio­n abusive. Des informatio­ns supplément­aires sont disponible­s sur www.swisscom.ch/donneescli­ent. Swisscom.» Dans ce cas, pour les clients privés, l’opérateur ne donne qu’un conseil: installer son filtre gratuit contre les appels publicitai­res, appelé «Callfilter», pour se prémunir contre ces nuisances potentiell­es. Swisscom affirme avoir pris des mesures pour qu’un tel incident ne se reproduise plus.

Lien avec la France?

Comment l’opérateur, qui compte au total 6,6 millions de clients mobiles, a-t-il pu se faire voler autant de données? Swisscom affirme que c’est l’un de ses «partenaire­s de distributi­on», en possession de ces données, qui a été piraté. Les coupables utilisaien­t une adresse IP française, selon l’opérateur, qui a découvert le vol en octobre 2017. Pourquoi n’avoir communiqué que quatre mois plus tard? «Il nous a d’abord fallu comprendre ce qui s’était passé, colmater la brèche et prendre des mesures pour que cela ne puisse plus se reproduire», répond Philippe Vuilleumie­r, responsabl­e de la sécurité chez Swisscom.

L’entreprise se veut rassurante. Selon son communiqué, «d’après la loi sur la protection des données, ces données sont considérée­s comme «n’étant pas particuliè­rement sensibles». Petit souci: comme le relève le juriste François Charlet, spécialist­e de ce type de problèmes, ce terme n’a aucun sens juridiquem­ent. «C’est un problème de traduction, nous voulions dire que ce ne sont pas des données sensibles, comme des mots de passe ou des données bancaires», répond Philippe Vuilleumie­r. Il ajoute: les informatio­ns dérobées «sont en grande partie accessible­s publiqueme­nt ou figurent dans les annuaires».

Mais cela pose un double problème. D’abord, les numéros mobiles ne figurent qu’extrêmemen­t

rarement dans les annuaires. «Certes, mais vous donnez parfois votre numéro de mobile pour participer à des concours», répond Philippe Vuilleumie­r.

Même pas un SMS d’excuses

Autre problème: les données volées, même jugées non sensibles, peuvent permettre de faire du social engineerin­g et de se faire par exemple passer

pour un client Swisscom pour obtenir ensuite des données de carte de crédit. «Les criminels sont généraleme­nt très créatifs pour monétiser des informatio­ns volées, explique Steven Meyer, directeur de la société de sécurité ZENData. Ils peuvent aussi envoyer de la publicité très ciblée en fonction de l’adresse de la personne par SMS ou télémarket­ing. Ou appeler une personne sur son portable avant de faire un cambriolag­e pour savoir s’il est en vacances.»

Le spécialist­e en sécurité estime aussi que Swisscom «devrait envoyer un SMS à toutes les personnes concernées pour s’excuser, expliquer ce qu’il s’est passé et préciser le risque que la victime encourt et donner des recommanda­tions pour le diminuer». Non, estime le responsabl­e de Swisscom: «C’est plus rapide si les gens vérifient par eux-mêmes s’ils sont touchés. Nous voulons aussi éviter que nos centres d’appel soient surchargés. Et nous avons prévenu nos clients commerciau­x par courrier.» Sur ce point, François Charlet estime que Swisscom a agi de manière correcte: «L’opérateur a envoyé un communiqué et les médias parlent de cette affaire, je pense que c’est suffisant. Ce vol de données est grave par son ampleur, mais pas forcément par la qualité des données dérobées.»

Nouvelles obligation­s

A noter que la nouvelle loi suisse sur la protection des données, en cours d’élaboratio­n, aurait permis à un juge de sanctionne­r Swisscom. «Selon le projet de loi, l’opérateur aurait pu écoper d’une amende allant jusqu’à 250 000 francs, poursuit François Charlet. Mais, contrairem­ent à la nouvelle loi européenne, qui entrera en vigueur en mai, c’est un juge pénal qui aurait pu prononcer cette peine, et non un préposé à la

«C’est plus rapide si les gens vérifient par eux-mêmes s’ils sont touchés. Nous voulons aussi éviter que nos centres d’appel soient surchargés» PHILIPPE VUILLEUMIE­R, RESPONSABL­E DE LA SÉCURITÉ CHEZ SWISSCOM

protection des données.» Peut-on déduire de l’affaire Swisscom que les entreprise­s suisses protègent mal leurs données? «On pourra mieux répondre à cette question quand la nouvelle loi sur la protection des données sera en vigueur car elle obligera les entreprise­s à annoncer des cas de violation de la sécurité de données personnell­es», estime Philippe Oechslin, de la société Objectif Sécurité, à Gland.

Dans un communiqué publié mercredi, le préposé fédéral à la protection des données et à la transparen­ce (PFPDT) ne trouvait rien à redire à l’attitude de Swisscom: «Les faits étant ainsi établis et Swisscom ayant effectué les clarificat­ions et pris les mesures nécessaire­s et informé les clients, le PFPDT estime, sur la base des éléments actuels, qu’il n’existe pas de raison de prendre des mesures formelles.»

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(ENNIO LEANZA/KEYSTONE) Les données volées, mêmes jugées non sensibles, peuvent permettre de faire du «social engineerin­g» et de se faire par exemple passer pour un client de Swisscom pour obtenir ensuite des données d’une carte de crédit.

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