Le Temps

Mercredis blancs

- AÏNA SKJELLAUG @AinaSkjell­aug

La première image qui m’a vrillé le coeur, c’est la vieille dame. Cette Iranienne sur la photo, durant le reportage du 19:30 de la RTS lundi dernier, à propos de ces femmes qui se battent pour l’abolition de l’obligation de porter le voile, là-bas. Quel âge a-t-elle? 70, 80 ans? Etait-elle de celles qui défilaient à Téhéran, en 1979, quand il s’agissait – déjà – de tenter d’empêcher les stigmates de la dictature des ayatollahs de marquer la tête des femmes?

Puis, autre génération, même combat. Une jeune fille, de mon âge, debout sur cette armoire électrique, en train de poser, fière, belle et hiératique, le voile blanc au vent, un mercredi de décembre, en pleine ville, au milieu d’une rue passante. Avant qu’elle soit arrêtée et emprisonné­e durant un mois.

Bien sûr, à des milliers de kilomètres, c’est facile d’être solidaire. De me sentir avec elles et leurs quarante ans de lutte contre l’obscuranti­sme, pour rester elles-mêmes. Ici, nous devons nous battre encore et toujours, avec notre parole qui tente ces temps-ci de devenir un peu plus forte contre le sexisme, le machisme, les violences conjugales, l’ordre encore divin et les lenteurs d’une société où l’inertie et la culture dominante demeurent en faveur des mâles. C’est centimètre par centimètre que se gagnent le respect et un meilleur équilibre.

Mais on ne risque pas la prison ou les coups de fouet en le disant, nous. Elles, elles sont bien plus que militantes, elles sont infiniment courageuse­s. La solidarité avec ces femmes d’Iran ou d’Arabie saoudite devraitell­e commencer par le refus du même voile dans nos rues et nos écoles? Ça n’a rien à voir avec la politique ou la religion, ça a juste à voir avec la liberté, là-bas comme ici.

J’écris cette chronique le mercredi. J’y penserai chaque fois désormais à ces White Wednesdays, où les voiles blancs sont au bout des bâtons des femmes, et les rubans blancs sur les hommes qui les soutiennen­t. Parce qu’il y en a. A la fin du reportage, on en voit un retirer le voile de la tête d’une d’entre elles et se le mettre autour du cou avant de continuer sa route avec elle, en lui tenant la main. C’est un instant construit, avec la force du symbole, et même un côté un rien paternalis­te, puisque c’est lui qui lève l’emprisonne­ment du voile. Mais c’est surtout tendre, ça montre que ce n’est pas: elles contre eux. Mais: elles avec eux. Et, là-bas comme ici, c’est la seule façon pour que ça marche.

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