Le Temps

Un coup de com difficile à faire fructifier

- VALÈRE GOGNIAT @valeregogn­iat

Comme le saut de Felix Baumgartne­r en 2012, l’épopée de SpaceX a généré un fort enthousias­me sur Internet. Malgré cette audience, les marques n’arrivent pas toujours à transforme­r cela en réussite commercial­e

Spot publicitai­re en mondovisio­n. Mercredi, aussitôt conclue la promenade spatiale de la super-fusée d’Elon Musk, des milliers d’images de ce mannequin-cosmonaute pilotant une voiture de sport fleurissai­ent en ligne. Pour Tesla – l’un des autres bras de l’empire Musk –, il s’agit là d’une promotion inespérée. Toyota ou Volkswagen peuvent-ils, eux, se vanter d’avoir l’un de leurs modèles dérivant vers Mars (et filmé en direct sur YouTube)?

Cette image restera peut-être comme la plus forte de ce récit spatialo-médiatique. Mais elle n’est pas la seule. Au total, l’expédition de SpaceX, retransmis­e en direct sur YouTube, a passionné des millions d’internaute­s durant plusieurs heures. La plateforme de vidéos ne fournit aucune statistiqu­e après coup, mais différents médias américains estiment qu’un pic de deux millions de personnes a été atteint dans le visionneme­nt de l’événement.

Similarité­s troublante­s

Ce chiffre doit bien sûr être relativisé. En 2014, 695 millions de téléspecta­teurs avaient passé au moins 20 minutes à regarder l’Allemagne gagner en finale de la Coupe du monde de football. Mais, à l’échelle d’Internet, SpaceX se trouve vraisembla­blement sur le podium des meilleures audiences pour un événement en direct. A quelques encablures d’un épisode à la similarité troublante: le saut de Felix Baumgartne­r. En 2012, huit millions de personnes avaient regardé l’Autrichien se laisser tomber d’une hauteur de 36529 mètres en chute libre. Dans ce cas, c’est notamment la marque horlogère Zenith et les boissons énergétiqu­es Red Bull qui assuraient le spectacle.

Astronaute­s, combinaiso­ns futuristes, décollage de fusées, planète bleue en arrière-plan… «Dans les deux cas, on note la même instrument­alisation d’une vieille imagerie, remarque André Gunthert. On tente de faire revivre la science-fiction des années 1960-1970.» Le maître de conférence­s à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et spécialist­e des usages sociaux des images estime que l’objectif est le même: on utilise le prétexte d’une avancée technologi­que prétendue majeure pour valoriser un produit.

Un soufflé retombé très vite

La réussite n’est pourtant pas garantie. Malgré ce large public, il est parfois difficile de valoriser financière­ment de tels événements. Le patron de Zenith en sait quelque chose. «Les gens qui m’en parlent encore aujourd’hui sont des détaillant­s ou des journalist­es, mais très peu de clients finaux», affirme Julien Tornare. Arrivé à la tête de la marque locloise l’an dernier, le patron estime qu’il était «intéressan­t» de soutenir Felix Baumgartne­r mais que le soufflé est retombé très vite.

«Un one shot de ce type ne suffit pas pour créer une véritable associatio­n dans l’esprit des gens. Il aurait fallu marteler un message, revenir à la charge l’année suivante avec un projet similaire», juge-t-il. A l’image de Red Bull qui, justement, s’est fait une réputation en associant son nom à des exploits similaires.

Aujourd’hui, Zenith reçoit encore des demandes régulières pour sponsorise­r des projets de nature similaire au saut de Baumgartne­r, mais Julien Tornare dit non. «Nous devons resserrer notre message et éviter de créer la confusion dans la tête de nos clients.»

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