Le Temps

Pour le docteur Tedros, «l’OMS reste vulnérable»

- NADIA FOURTI ET STÉPHANE BUSSARD @BussardS

Sept mois après son entrée en fonction, le nouveau directeur de l’Organisati­on mondiale de la santé a tenu sa première conférence de presse au Palais des Nations à Genève pour faire le point sur les chantiers en cours. En tête de ses priorités: le dispositif de l’OMS pour répondre au mieux aux épidémies, mais aussi la couverture médicale universell­e

Entré en fonction le 1er juillet 2017, le nouveau directeur général de l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS) a donné mercredi sa première conférence de presse aux Nations unies, à Genève. En place depuis sept mois, Tedros Adhanom Ghebreyesu­s admet la difficulté de l’exercice dans cette phase de transition, qualifiant ses premiers mois de «montagnes russes». Premier Africain à diriger l’institutio­n onusienne, il s’est promis de réformer l’OMS en élargissan­t sa représenta­tivité géographiq­ue. Mercredi, il a aussi insisté sur sa volonté d’établir la parité de genre. Parmi les 14 directeurs généraux adjoints, 9 sont des directrice­s (64%). C’est la première fois dans l’histoire de l’organisati­on que l’OMS recense une majorité de femmes dans ces positions dirigeante­s.

Quotas contre compétence­s?

Certains estiment qu’il privilégie­rait des critères rigides de parité et de géographie au détriment des compétence­s. On lui reproche déjà d’avoir nommé un médecin russe, Tereza Kasaeva, un mois après qu’il eut rencontré Vladimir Poutine. Mercredi, il s’est défendu de tout retour d’ascenseur et a justifié la nomination de la Russe, une femme dotée d’une expérience de vingtcinq ans dans la santé publique, à la tête du départemen­t Halte à la turberculo­se de l’OMS. «Je me suis appuyé sur les conseils des directeurs régionaux pour procéder aux nomination­s.» La responsabl­e russe, a-t-il ajouté, «est compétente et fait du bon travail […] Je ne comprends pas les critiques.» Si Tereza Kasaeva suscite des grincement­s de dents, c’est surtout parce qu’elle vient d’un pays, la Russie, considéré comme un mauvais élève dans la lutte contre la tuberculos­e.

Le docteur Tedros (le nom qu’on lui donne en Ethiopie) a aussi jugé regrettabl­e la polémique que provoqua la nomination en octobre de celui qui était encore président du Zimbabwe, Robert Mugabe, au poste d’ambassadeu­r de bonne volonté de l’OMS. L’affaire a causé un tollé, des ONG dénonçant notamment l’effondreme­nt du système de santé au Zimbabwe alors que son président avait l’habitude de se faire soigner à l’étranger. «Il n’y a pas eu de problème de jugement», a déclaré le directeur de l’OMS, estimant que la figure controvers­ée de Mugabe aurait pu aider à promouvoir la santé en Afrique. Le docteur Tedros n’en a pas moins fait marche arrière, renonçant à cette nomination. L’épisode a interrogé sur le sens politique du directeur de l’OMS, ex-ministre du gouverneme­nt éthiopien. Beaucoup avancent pourtant que c’est l’une des raisons pour lesquelles il a été élu à l’OMS au détriment du Britanniqu­e David Nabarro en mai 2017.

A la tête d’une organisati­on financée à hauteur d’un quart par des contributi­ons obligatoir­es des Etats membres et par des contributi­ons volontaire­s pour le reste, Tedros Adhanom Ghebreyesu­s est conscient de la difficulté de trouver de nouvelles sources de financemen­t. Pour l’heure, le principal contribute­ur de l’OMS est les Etats-Unis et le second… la fondation Bill et Melinda Gates, un peu devant le Royaume-Uni. C’est pourquoi il a insisté sur la nécessité de développer des idées innovatric­es pour mobiliser des fonds.

L’OMS ayant subi des dégâts d’image à la suite de sa surréactio­n à la pandémie de H1N1 en 2009 et surtout du manque de réactivité face à l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014, le docteur Tedros dit

DIRECTEUR DE L’OMS Le patron de l’OMS se dit prêt à mettre à dispositio­n des profession­nelsde la santé des ressources matérielle­s dans divers pays à travers le monde, pouvant être mobilisées en l’espace de72 heures

reconstrui­re l’organisati­on à partir des mesures prises dans le cadre de la réforme mise en oeuvre après ce dernier fiasco. Dans cette optique, il a d’emblée créé un Conseil de sécurité sanitaire (Health Security Council) dirigé par Peter Salama, directeur du programme de gestion des situations d’urgence sanitaire à l’OMS. Le conseil l’informe quotidienn­ement sur l’évolution de la situation sur le front des maladies infectieus­es et des épidémies. Au cours des six derniers mois, il a ainsi suivi de près 50 situations d’urgence dans 48 pays. Le patron de l’OMS se dit prêt à mettre à dispositio­n des profession­nels de la santé des ressources matérielle­s dans divers pays à travers le monde, pouvant être mobilisées en l’espace de 72 heures. L’OMS reste, selon lui, «vulnérable» face aux risques d’épidémies et de pandémie.

Rendez-vous en mai

Dans l’établissem­ent de la feuille de route de l’organisati­on pour les cinq prochaines années (GPW), le directeur de l’OMS a répété son mantra: pour préparer les pays au pire, il faut construire des systèmes sanitaires nationaux robustes et surtout garantir une couverture médicale universell­e. A l’Assemblée mondiale de la santé de mai à Genève, il sommera les Etats à s’engager dans ce sens.

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TEDROS ADHANOM GHEBREYESU­S

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