Le Temps

Les divisions du PDC face à la Constituan­te

Après avoir soutenu plusieurs positions différente­s, les démocrates-chrétiens s’allient à l’UDC pour combattre la révision d’une Constituti­on qui date de 1907. La campagne débute timidement. Les Valaisans voteront le 4 mars prochain

- XAVIER LAMBIEL @XavierLamb­iel

Face aux journalist­es, les initiants martèlent que «le moment est historique». Pourtant, à un mois du vote sur la révision de la Constituti­on, le débat débute timidement. Pour le juge Jean Zermatten, à l’origine de l’initiative qui espère une révision totale de la Constituti­on par une Assemblée constituan­te, «nous souffrons de la concurrenc­e des Jeux olympiques, qui parlent aux tripes alors que nous nous adressons à la tête». Président du PDC du Valais romand, Serge Métrailler analyse différemme­nt: «C’est le signe que la Constituti­on n’est pas une préoccupat­ion essentiell­e de la population.»

Le 4 mars prochain, dans l’ombre de «No Billag», les Valaisans voteront pour ou contre une révision totale de leur Constituti­on. Si la réponse est positive, ils choisiront de confier ce travail à une Assemblée constituan­te ou au parlement. Daté de 1907, le texte a subi 25 modificati­ons partielles. Il ne mentionne pas les femmes, les enfants ou les aînés. Il oublie aussi le droit aux soins, au logement où à l’informatio­n. Ces dernières décennies, presque tous les cantons se sont dotés de nouvelles lois fondamenta­les. Avec le Valais, seuls Appenzell Rhodes-Intérieure­s et Zoug résistent encore.

Huit partis et mouvements politiques valaisans soutiennen­t une révision totale du texte par une Assemblée constituan­te. En cas de victoire, les Verts, les socialiste­s et les libéraux-radicaux s’engagent à ouvrir leurs listes électorale­s à la société civile. En espérant susciter l’enthousias­me, ils envisagent même un ticket commun pour «toutes les forces de progrès». Face à eux, l’UDC et le PDC du Valais romand militent pour une révision partielle de la Constituti­on par le parlement. Manifestem­ent, le débat déchire progressis­tes et conservate­urs. La formule agace Serge Métrailler: «Cette campagne oppose plutôt les idéalistes aux pragmatiqu­es; le Valais n’a pas besoin d’une thérapie collective.»

L’ombre des dernières élections

Pour récolter 8000 signatures, les initiants ont profité de la vague qui avait exclu l’UDC du gouverneme­nt en mars dernier. Elle avait consacré le PDC Christophe Darbellay et le PLR Frédéric Favre, tous deux favorables à une Constituan­te. Dans le Chablais, les citoyens qui avaient récolté près de 40000 francs pour couper la voie du gouverneme­nt à Oskar Freysinger tentent à nouveau de susciter l’enthousias­me en ligne. L’exercice semble plus compliqué: jusqu’ici, leur appel citoyen pour une Assemblée constituan­te a rassemblé un peu moins de 700 signataire­s.

En juin dernier, peu après son élection et pour la première fois, le Conseil d’Etat décidait de soutenir une révision totale de la loi par une Constituan­te. Par la suite, il est resté plutôt discret. Ministre des institutio­ns, Frédéric Favre regrette les trop rares sollicitat­ions des médias à ce sujet: «Nous avons besoin d’un texte fondamenta­l fort, adapté à nos valeurs et à notre futur, et ce projet ambitieux doit être ouvert à toute la population». Christophe Darbellay soutient que le gouverneme­nt et ses trois ministres démocrates-chrétiens parlent d’une seule voix: «C’est une chance de se poser les vraies questions sur le positionne­ment et sur l’avenir du canton.»

«C’est l’expression de la démocratie»

Cette fois, l’ancien président du PDC suisse n’obtient pas vraiment le soutien de son parti. Au contraire, le débat a ressuscité ses vieilles querelles internes. En novembre dernier, quand le parlement a choisi de confier ce travail à une Assemblée constituan­te pour vingt voix, le vote a montré une fracture entre démocrates-chrétiens francophon­es et haut-valaisans. Les premiers défendent une révision du texte par le Grand Conseil, et les seconds souhaitent l’élection d’une Assemblée constituan­te. Néanmoins, tous s’accordaien­t encore pour soutenir une révision totale du texte.

Deux visions du monde

En janvier, un coup de théâtre secoue le PDC: conservate­urs et chrétiens-sociaux se divisent lors du conseil de parti. Au moment du vote, les premiers l’emportent par 34 voix contre 25. Désavouant à la fois ses trois ministres et ses quatre groupes parlementa­ires, le plus grand parti du canton décide de combattre le principe même d’une révision totale de la Constituti­on. Une année après l’élection qui a tourné à la guerre entre l’UDC et le PDC, Serge Métrailler part en campagne aux côtés de ses anciens adversaire­s: «C’est l’expression de la démocratie et j’assume mon rôle de président.»

Chef de groupe de l’UDC, Grégory Logean salue «une bonne surprise». Il énumère ses arguments: «La Constituti­on valaisanne n’est pas si désuète; elle a su évoluer en conservant ses valeurs et elle n’empêche pas le développem­ent du canton.» Il insiste: «Des questions aussi sensibles que le droit de vote des étrangers, la reconnaiss­ance de l’islam ou le mariage pour tous ne peuvent pas être soumises au peuple simultaném­ent.»

Les initiants, eux, refusent de définir les thèmes qui pourraient être abordés par une Assemblée constituan­te. Pour Marylène Volpi Fournier, membre des Verts et coprésiden­te du comité d’initiative, «les élus partiront d’une page blanche et ils auront toute liberté pour redéfinir la relation qui unit l’Etat à ses citoyens». Elle sourit: «Le temps de la peur est terminé et nous avons une belle opportunit­é de construire l’avenir; vivre ensemble, c’est dialoguer.»

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(SEDRIK NEMETH) En février 2017 et en campagne pour le gouverneme­nt, le PDC valaisan affichait son unité face à l’UDC.

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