Ignorer l’Etat de droit pour réformer la SSR?
Non, M. Comina, même soumis à une constitution placée sous la bienveillante attention de «Dieu Tout-Puissant», les parlementaires fédéraux n’ont pas le pouvoir de faire des miracles. Le croire est stupide, le faire croire malhonnête. On l’a dit et redit, aucun économiste sérieux n’oserait prétendre qu’une entreprise, quelle qu’elle soit, puisse continuer à fonctionner avec un budget amputé […] des trois quarts de ses revenus. […] Qu’importe, pensez-vous, que la SSR soit privée de revenus, puisqu’en cas d’acceptation de l’initiative, les parlementaires fédéraux sortiront de leur chapeau le milliard nécessaire à la sauver. Alors même que le but essentiel de «No Billag» est ainsi formulé: «la Confédération ne subventionne aucune chaîne de radio ou de télévision» et «aucune redevance de réception ne peut être prélevée par la Confédération ou par un tiers mandaté par elle». Difficile d’être plus clair. On mesure d’autant mieux les efforts d’imagination et de compromis(sion) nécessaires pour vider ce texte-là de sa substance tout en satisfaisant ses auteurs. Car c’est bien là le fond de votre argumentation: depuis le 9 février 2014 et le vote sur l’immigration de masse, le rôle des parlementaires n’est plus d’appliquer la volonté populaire, mais «de s’en inspirer sans la respecter à la lettre». Autrement dit de trouver les moyens cosmétiques de l’ignorer. On a vu le résultat de ces contorsions législatives dans le cas de l’initiative contre l’immigration de masse: insatisfaite de cette «application light» de son texte, l’UDC se lance dans une nouvelle bataille pour abroger l’accord sur la libre circulation des personnes. Il n’en irait pas autrement si le parlement trouvait une solution propre à gommer les exigences de l’initiative «No Billag» si elle était acceptée. Prôner le oui à «No Billag» pour provoquer une réforme du service audiovisuel public, comme vous le soutenez, en sachant que l’initiative aurait inéluctablement pour conséquence de supprimer la SSR et les radios et télévisions locales est absurde. Prêter aux parlementaires fédéraux la capacité (ou la duplicité) d’éviter cet extrême, c’est faire bien peu de cas de la volonté populaire et, par conséquent, de l’Etat de droit.
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