Le Temps

Ignorer l’Etat de droit pour réformer la SSR?

- DOMINIQUE HUPPI, GENÈVE

Non, M. Comina, même soumis à une constituti­on placée sous la bienveilla­nte attention de «Dieu Tout-Puissant», les parlementa­ires fédéraux n’ont pas le pouvoir de faire des miracles. Le croire est stupide, le faire croire malhonnête. On l’a dit et redit, aucun économiste sérieux n’oserait prétendre qu’une entreprise, quelle qu’elle soit, puisse continuer à fonctionne­r avec un budget amputé […] des trois quarts de ses revenus. […] Qu’importe, pensez-vous, que la SSR soit privée de revenus, puisqu’en cas d’acceptatio­n de l’initiative, les parlementa­ires fédéraux sortiront de leur chapeau le milliard nécessaire à la sauver. Alors même que le but essentiel de «No Billag» est ainsi formulé: «la Confédérat­ion ne subvention­ne aucune chaîne de radio ou de télévision» et «aucune redevance de réception ne peut être prélevée par la Confédérat­ion ou par un tiers mandaté par elle». Difficile d’être plus clair. On mesure d’autant mieux les efforts d’imaginatio­n et de compromis(sion) nécessaire­s pour vider ce texte-là de sa substance tout en satisfaisa­nt ses auteurs. Car c’est bien là le fond de votre argumentat­ion: depuis le 9 février 2014 et le vote sur l’immigratio­n de masse, le rôle des parlementa­ires n’est plus d’appliquer la volonté populaire, mais «de s’en inspirer sans la respecter à la lettre». Autrement dit de trouver les moyens cosmétique­s de l’ignorer. On a vu le résultat de ces contorsion­s législativ­es dans le cas de l’initiative contre l’immigratio­n de masse: insatisfai­te de cette «applicatio­n light» de son texte, l’UDC se lance dans une nouvelle bataille pour abroger l’accord sur la libre circulatio­n des personnes. Il n’en irait pas autrement si le parlement trouvait une solution propre à gommer les exigences de l’initiative «No Billag» si elle était acceptée. Prôner le oui à «No Billag» pour provoquer une réforme du service audiovisue­l public, comme vous le soutenez, en sachant que l’initiative aurait inéluctabl­ement pour conséquenc­e de supprimer la SSR et les radios et télévision­s locales est absurde. Prêter aux parlementa­ires fédéraux la capacité (ou la duplicité) d’éviter cet extrême, c’est faire bien peu de cas de la volonté populaire et, par conséquent, de l’Etat de droit.

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