Meyer Burger poursuit un faussaire chinois
Une mésaventure de l’entreprise suisse rappelle que le respect de la propriété intellectuelle laisse toujours à désirer en Chine. Ce qui toutefois ne veut pas dire que les autorités chinoises restent les bras croisés
Meyer Burger, le spécialiste suisse des installations photovoltaïques, s’engage dans une bataille légale en Chine. Il vient de déposer une plainte contre son concurrent Wuxi Shangji Automation Co. pour violation du droit de la propriété intellectuelle. En l’occurrence, la société basée à Thoune (BE) l’accuse de copier et de vendre illégalement l’une de ses technologies. Il s’agit plus précisément d’un système de coupe de silicium, l’un des composants des cellules photovoltaïques, qui est fabriqué en Suisse.
La balle est maintenant dans le camp de la cour intermédiaire de Nankin, capitale de la province du Jiangsu, dans l’est de la Chine. Les magistrats devraient entendre les deux parties ces prochains mois. A moins que ces dernières ne trouvent un arrangement hors cour, ce qui est une pratique courante dans ce domaine. «Il n’y avait aucune raison d’ouvrir un dialogue avec Wuxii Shangji avant d’aller devant la justice, explique un porte-parole de Meyer Burger. Cette entreprise, qui agit dans l’illégalité, doit être punie.» La Chine représente 80% du chiffre d’affaires – 473 millions de francs en 2017 – de l’entreprise suisse.
Avocat à Lausanne, ancien président de la Chambre de commerce Suisse-Chine et conseiller auprès d’investisseurs chinois et suisses, Jean-Christophe Liebeskind connaît la problématique. «Le cadre légal y est excellent mais pas parfait compte tenu du fait qu’il n’existe que depuis une quarantaine d’années, dit-il. Il est vrai que la Chine est un pays de contrefaçons, mais il serait faux de dire que les Chinois ne font rien pour lutter contre.» Selon lui, pour comprendre l’ampleur du fléau, il faut tenir compte de l’extraordinaire talent des faussaires dans le pays.
L’avocat lausannois s’insurge surtout contre le fait que la justice chinoise est lente, chère, pointilleuse. «Par exemple, un tribunal peut décider de façon arbitraire de rejeter une traduction des documents faite pourtant en bonne et due forme en Suisse», relève-t-il.
Dialogue sino-suisse
Cette histoire confirme en effet la réputation de la Chine où des faussaires locaux copient et vendent non seulement des produits courants (montres, cigarettes, vêtements), mais également des machines industrielles. «Nous recevons régulièrement des plaintes de la part d’entreprises ou d’organisations faîtières suisses, relève Ursula Siegfried, conseillère juridique à l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI). C’est une thématique récurrente dans le cadre du dialogue sino-suisse sur la propriété intellectuelle établi en 2007.»
L’IPI reconnaît toutefois que, depuis son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, la Chine a fait un pas de géant en matière de protection de la propriété intellectuelle. «Leur législation est relativement moderne, dit Ursula Siegfried. Des problèmes considérables persistent cependant dans sa mise en application.» Tout en constatant que la Chine reste à ce jour le pays de provenance numéro un des contrefaçons, l’IPI se montre plutôt optimiste pour l’avenir. «Nous notons la volonté de la Chine de ne plus être l’usine du monde, mais de favoriser la valeur ajoutée. Et qui dit innovation, dit aussi une meilleure protection des brevets.» ▅