Le télétravail à l’épreuve des horaires. Nos offres d’emploi
EMPLOI Une initiative parlementaire veut allonger la durée légale du télétravail à 17 heures par jour. Contrairement à ses voisins, la Suisse n’a pas de loi spécifique sur le travail à domicile. En attendant, c’est à chacun de s’organiser pour éviter les
C'est un texte qui fait débat. La semaine dernière, le Conseil national examinait l'initiative parlementaire de Thierry Burkart visant à «assouplir les conditions encadrant le télétravail». Pour son auteur, un député libéral-radical argovien, le télétravail permet aux employés «d'échapper dans une certaine mesure au stress […] et de mieux concilier vies professionnelle et familiale». En échange de ces avantages, il serait donc naturel d'adapter les conditions de travail avec trois mesures phares. D'abord, les personnes concernées pourraient travailler dans un intervalle de 17 heures au lieu de 14. Comprenez: il devient légal de finir sa journée à 23h si on l'a commencée à 6h, à condition que les heures totales effectuées ne dépassent pas la durée légale du travail de neuf heures par jour. Cette proposition est censée aider les parents qui vont chercher leurs enfants à la crèche puis finissent leur journée en soirée.
Travail dominical
Deuxièmement, «une prestation professionnelle de courte durée et fournie occasionnellement ne constitue pas une interruption de la durée du repos». Dans ce cas, répondre à un e-mail en soirée ne pousse pas vraiment à reprendre son activité professionnelle, puisque c'est rapide. Enfin, les dérogations à l'interdiction de travailler le dimanche ne sont pas soumises à autorisation lorsqu'elles concernent le travail dominical effectué à domicile. Si on fixe un rendez-vous à des clients un dimanche, depuis son canapé, alors pas besoin de s'embarrasser avec des tâches administratives, c'est autorisé.
Le 29 janvier, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national a décidé de donner suite à l'initiative par 19 voix contre 6. C'est maintenant au tour de celle du Conseil des Etats de l'examiner. Mais le texte a suscité d'importants débats sous la Coupole. «Quand les employés aurontils le temps de dormir?», s'est ainsi insurgé Adrian Wüthrich, président de l'organisation syndicale Travail.Suisse.
Ce n'est pas la première fois que des députés tentent de légiférer sur le sujet. En 2012, l'élue PDC Lucrezia Meier-Schatz déposait un postulat sur les conséquences juridiques du télétravail, sommant le Conseil fédéral d'étudier la question. Dans un rapport rendu en novembre 2016, le gouvernement estimait finalement que les règles générales du droit du travail suffisaient pour le moment à légiférer sur le travail à domicile.
Plus d'un quart des Suisses travaillent depuis chez eux au moins une fois par semaine, selon une étude de Deloitte publiée en 2016. Le chiffre est en augmentation, pour des raisons sociologiques évidentes. Pour les employés du tertiaire qui n'ont besoin que d'un téléphone et d'un ordinateur pour exercer leur métier, rester à la maison permet d'économiser le temps des transports ainsi que d'en réduire le budget. De leurs côtés, les entreprises ont compris que leurs employés appréciaient ce geste, qui ne réduit pas forcément leur productivité.
Pour autant, le télétravail implique une grande confiance entre la direction et les collaborateurs. Car si la machine se grippe, les problèmes peuvent arriver
Plus d’un quart des Suisses travaillent depuis chez eux au moins une fois par semaine, selon une étude de Deloitte publiée en 2016.
rapidement, et ceci des deux côtés. En 2015, UBS avait serré la vis après avoir constaté des abus de la part de ses employés zurichois qui travaillaient à domicile mais n'étaient pas joignables aux heures de bureau… Du côté des employés, la frontière entre vie privée et vie professionnelle est encore plus mince si l'on travaille chez soi et l'on peut se mettre à gérer des dossiers à des heures indues.
Jusqu'à présent, il n'existe en Suisse aucune loi sur le télétravail. Par défaut, c'est donc le droit du travail qui s'applique. «C'est pourquoi je conseille vivement de fixer un cadre en amont afin d'être au clair sur les conditions», explique l'avocat Pierre Matile, fondateur de CJE Avocats, Conseillers d'Entreprise à Cortaillod. L'expert intervenait récemment lors d'un séminaire sur le télétravail à la Haute Ecole de gestion Arc, à Neuchâtel. «Il convient par exemple de déterminer qui fixe les jours où le collaborateur travaille de chez lui, mais aussi les horaires pendant lesquels il doit être atteignable, et éventuellement le remboursement de ses frais.»
Bonne entente
En Suisse, il existe très peu de jurisprudence sur le sujet. Pour Pierre Matile, c'est bon signe: cela signifie que sur le terrain, les choses se déroulent dans une bonne entente.
Pourquoi, dès lors, vouloir instaurer un cadre spécifique? Parce que des dérives existent, même si elles ne font pas toujours l'objet de procès. Des employeurs qui refusent le télétravail à leurs collaborateurs, des employés qui n'assument pas leurs tâches dès qu'ils sont à la maison, ou qui doivent être joignables 24h/24h… Pour appréhender ces nouvelles situations, l'Union européenne s'est dotée d'un accordcadre sur le télétravail, transposé dans chaque pays membre. «La France a même fait un pas de plus avec l'initiative Macron adoptée en octobre dernier, explique Nathalie Bergier, avocate et collègue de Pierre Matile. Elle instaure un quasi-droit au télétravail, car l'employeur doit justifier sa décision en cas de refus.» La Suisse en est oin.
D'autant que l'initiative parlementaire de Thierry Burkart prône une flexibilisation accrue du télétravail, et pas plus d'encadrement. «Cela pose un certain nombre de problèmes quant à son application, estime José Zilla, autre avocat qui intervenait lors de ce séminaire à Neuchâtel. Comment définit-on la prestation professionnelle de courte durée? Car l'employeur doit enregistrer les heures de ses salariés que celui-ci soit au bureau ou pas, en cas de contrôle de l'inspection du travail. Si je prends 5 minutes pour rédiger un e-mail, je suis toujours en pause? Et si cela prend dix minutes? Finalement, tout cela est un débat politique.»
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Le télétravail implique une grande confiance entre la direction et les employés. Car si la machine se grippe, les problèmes peuvent arriver rapidement