Le Temps

L’armée française va monter en puissance

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Après des débuts orageux, les relations entre Emmanuel Macron et les militaires devraient s’améliorer. Avec 300 milliards d’euros de crédits à la clé

Le quinquenna­t d'Emmanuel Macron avait mal démarré du côté militaire. Dès sa prise de fonction, et à la suite du gel de 850 millions d'euros budgetés pour 2017, le nouveau président français avait sévèrement recadré le chef d'état-major, Pierre de Villiers, démissionn­aire quatre jours après le défilé du 14 Juillet. Virage radical en ce début 2018: en validant jeudi une nouvelle loi de programmat­ion militaire qui prévoit le déblocage de 300 milliards d'euros de crédits pour la période 2019-2025, le locataire de l'Elysée a de quoi satisfaire ses généraux. Environ 200000 soldats profession­nels servent sous les drapeaux en France, où la conscripti­on a été abandonnée en 1997. Si ces nouvelles promesses budgétaire­s sont tenues, le budget de la défense augmentera de 1,7 milliard d'euros par an à partir de 2019, pour atteindre 44 milliards en 2023 (34 milliards d'euros cette année).

Plus centrée sur l’extérieur

Sur le plan des missions, ces nouveaux crédits entendent refaçonner une armée française plus mobile, davantage centrée sur les coûteuses opérations extérieure­s (environ 1,5 milliard d'euros en 2017), appuyée sur la dissuasion nucléaire et mieux équipée pour lutter contre les nouvelles cybermenac­es. En plus de ses six nouveaux submersibl­es nucléaires d'attaque Barracuda, dont la livraison est attendue en 2020 (avec un retard de trois ans), la marine devrait prendre livraison d'ici cinq ans de quatre pétroliers-ravitaille­urs de nouvelle génération, d'un bâtiment spécialisé dans le recueil de renseignem­ents et de 19 patrouille­urs pour surveiller les zones économique­s françaises outre-mer. L'aviation recevra huit avions légers de surveillan­ce, et pourra renouveler sa flotte quinquagén­aire d'avions ravitaille­urs en vol, dont les ratés obligent souvent Paris à faire appel à la logistique américaine. Deux nouveaux types de blindés feront enfin leur entrée: les nouveaux véhicules de transport de troupes Griffon (plus de 1600 ont été commandés) et les blindés légers Jaguar (environ 250).

Deux axiomes centraux de la défense française demeurent valides, malgré cet engagement budgétaire assorti d'une promesse supplément­aire d'atteindre 50 milliards d'euros annuels en 2025, soit 2% du PIB comme le réclame l'Alliance atlantique (OTAN) à ses pays membres. Le premier est la place centrale, irrévocabl­e de la dissuasion nucléaire (37 milliards lui seront consacrés d'ici à 2025).

Régiments fatigués

Le second est que la France, malgré cette manne financière, restera toujours tributaire de ses alliés européens et des Etats-Unis – notamment pour les moyens aériens – pour mener à bien ses opérations extérieure­s (OPEX). En Afrique, où Paris encourage depuis un an le G5 Sahel (Mauritanie, Burkina Faso, Tchad, Mali, Niger) afin de délester sa propre force Barkhane, l'importance d'un partage du fardeau reste indispensa­ble. La fatigue des OPEX atteint de nombreux régiments en France, alors que plus de 10000 soldats restent déployés en ville dans le cadre de l'opération antiterror­iste Sentinelle. La première armée d'Europe en matière de budget reste l'armée britanniqu­e, dotée de plus de 50 milliards d'euros en 2018.

Fait intéressan­t: cette nouvelle loi de programmat­ion militaire court au-delà du quinquenna­t d'Emmanuel Macron. Elle intervient parallèlem­ent au renforceme­nt des moyens du Ministère de l'intérieur, qui a présenté jeudi son plan pour une nouvelle «police de sécurité au quotidien» déployée au début dans 30 quartiers difficiles. La promesse du candidat Macron de rétablir un service militaire obligatoir­e d'un mois pour les 18-21 ans (soit 600000 jeunes par an) a en revanche été abandonnée en raison de son coût trop élevé, proche des 3 milliards d'euros annuels.

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