L’armée française va monter en puissance
Après des débuts orageux, les relations entre Emmanuel Macron et les militaires devraient s’améliorer. Avec 300 milliards d’euros de crédits à la clé
Le quinquennat d'Emmanuel Macron avait mal démarré du côté militaire. Dès sa prise de fonction, et à la suite du gel de 850 millions d'euros budgetés pour 2017, le nouveau président français avait sévèrement recadré le chef d'état-major, Pierre de Villiers, démissionnaire quatre jours après le défilé du 14 Juillet. Virage radical en ce début 2018: en validant jeudi une nouvelle loi de programmation militaire qui prévoit le déblocage de 300 milliards d'euros de crédits pour la période 2019-2025, le locataire de l'Elysée a de quoi satisfaire ses généraux. Environ 200000 soldats professionnels servent sous les drapeaux en France, où la conscription a été abandonnée en 1997. Si ces nouvelles promesses budgétaires sont tenues, le budget de la défense augmentera de 1,7 milliard d'euros par an à partir de 2019, pour atteindre 44 milliards en 2023 (34 milliards d'euros cette année).
Plus centrée sur l’extérieur
Sur le plan des missions, ces nouveaux crédits entendent refaçonner une armée française plus mobile, davantage centrée sur les coûteuses opérations extérieures (environ 1,5 milliard d'euros en 2017), appuyée sur la dissuasion nucléaire et mieux équipée pour lutter contre les nouvelles cybermenaces. En plus de ses six nouveaux submersibles nucléaires d'attaque Barracuda, dont la livraison est attendue en 2020 (avec un retard de trois ans), la marine devrait prendre livraison d'ici cinq ans de quatre pétroliers-ravitailleurs de nouvelle génération, d'un bâtiment spécialisé dans le recueil de renseignements et de 19 patrouilleurs pour surveiller les zones économiques françaises outre-mer. L'aviation recevra huit avions légers de surveillance, et pourra renouveler sa flotte quinquagénaire d'avions ravitailleurs en vol, dont les ratés obligent souvent Paris à faire appel à la logistique américaine. Deux nouveaux types de blindés feront enfin leur entrée: les nouveaux véhicules de transport de troupes Griffon (plus de 1600 ont été commandés) et les blindés légers Jaguar (environ 250).
Deux axiomes centraux de la défense française demeurent valides, malgré cet engagement budgétaire assorti d'une promesse supplémentaire d'atteindre 50 milliards d'euros annuels en 2025, soit 2% du PIB comme le réclame l'Alliance atlantique (OTAN) à ses pays membres. Le premier est la place centrale, irrévocable de la dissuasion nucléaire (37 milliards lui seront consacrés d'ici à 2025).
Régiments fatigués
Le second est que la France, malgré cette manne financière, restera toujours tributaire de ses alliés européens et des Etats-Unis – notamment pour les moyens aériens – pour mener à bien ses opérations extérieures (OPEX). En Afrique, où Paris encourage depuis un an le G5 Sahel (Mauritanie, Burkina Faso, Tchad, Mali, Niger) afin de délester sa propre force Barkhane, l'importance d'un partage du fardeau reste indispensable. La fatigue des OPEX atteint de nombreux régiments en France, alors que plus de 10000 soldats restent déployés en ville dans le cadre de l'opération antiterroriste Sentinelle. La première armée d'Europe en matière de budget reste l'armée britannique, dotée de plus de 50 milliards d'euros en 2018.
Fait intéressant: cette nouvelle loi de programmation militaire court au-delà du quinquennat d'Emmanuel Macron. Elle intervient parallèlement au renforcement des moyens du Ministère de l'intérieur, qui a présenté jeudi son plan pour une nouvelle «police de sécurité au quotidien» déployée au début dans 30 quartiers difficiles. La promesse du candidat Macron de rétablir un service militaire obligatoire d'un mois pour les 18-21 ans (soit 600000 jeunes par an) a en revanche été abandonnée en raison de son coût trop élevé, proche des 3 milliards d'euros annuels.
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