Le Temps

Genève s’offre un théâtre pour la danse

- ALEXANDRE DEMIDOFF @alexandred­mdff

Le Conseil municipal genevois a voté mercredi soir un crédit de 11 millions pour la constructi­on d’une salle modulable de 220 places, qui consacre la vitalité de la danse au bout du lac. L’inaugurati­on est prévue début 2020

L'attente, si longue, puis la délivrance, si belle. Il était 19h ce mercredi, rue de l'Hôtel-de-Ville, dans l'amphithéât­re du Conseil municipal. Et des applaudiss­ements éclataient à la tribune. L'assemblée venait d'approuver le crédit de constructi­on du Pavillon de la danse, une salle de 220 places, modulable, qui se dressera place Sturm, à trois pas chassés de la Vieille-Ville.

Vingt ans d’attente

Un triomphe? Presque. Quelque 52 conseiller­s municipaux, du MCG à l'extrême gauche, en passant par le PDC, le Parti socialiste et les Verts, ont dit oui aux 11 millions prévus pour le projet. A l'autre bord, le PLR et l'UDC s'y sont opposés. Aux premières loges, Claude Ratzé, directeur jusqu'à l'automne passé de l'Associatio­n pour la danse contempora­ine (ADC) a alors arboré un sourire de mage en hiver. A ses côtés, Nicole Simon-Vermot, administra­trice de la première heure, s'est sentie soudain planer. Comme Anne Davier, directrice depuis le 1er novembre de l'institutio­n, et la chorégraph­e Cindy Van Acker, avec laquelle elle forme un tandem. «Il faut bien dix ans pour qu'un tel projet aboutisse», se réjouissai­t à la sortie Sami Kanaan, ministre municipal de la Culture.

C'est que la profession et le public espéraient ce jour depuis vingt ans au moins. La cité d'Henry Dunant pouvait bien se prétendre capitale suisse de la danse contempora­ine, s'enorgueill­ir d'héberger les chorégraph­es les plus singuliers du pays – Gilles Jobin, Foofwa d'Imobilité, Cindy Van Acker, Marco Berrettini –, elle n'avait pas de scène à leur offrir. La Salle des Eaux-Vives? Certes, mais cette occupation a toujours été annoncée temporaire. En 2006 pourtant, les enfants de Maurice Béjart et de Merce Cunningham ont bien cru qu'ils pourraient cultiver la folie d'un beau geste au sein d'un complexe sociocultu­rel à Lancy, celui qu'on appelait alors L'Escargot. Consultée, la population lancéenne retoquait cette Maison de la danse.

Un instant KO, Claude Ratzé, Anne Davier et Nicole Simon-Vermot reprennent les gants. Avec l'appui du Départemen­t des affaires culturelle­s de la Ville, ils envisagent un nouveau scénario. L'idée-force? Une structure maniable et pratique. Un concours est organisé en 2013. Quelque 65 bureaux affûtent leurs formes: c'est le projet des architecte­s lausannois de ON Architectu­re qui l'emporte. Ses atouts? Modulable, il s'adapte aux besoins des artistes; il peut accueillir 220 spectateur­s; il abritera les bureaux de l'ADC, un foyer et une médiathèqu­e. Mieux, son coût est raisonnabl­e: 12 millions, dont un a été trouvé par l'ADC auprès d'une fondation.

Dans tout cela, il y a une audace, un pied de nez à la fatalité: investir la place Sturm, ce terrain vague maudit sur lequel veille le buste de François Lefort, l'ami genevois de Pierre Le Grand. En 2001, la municipali­té prévoyait d'y enraciner le Musée d'ethnograph­ie. Mais le peuple enterrait le projet. Depuis, cette esplanade a des airs de désert de Gobi, selon l'expression du conseiller municipal PDC Alain de Kalbermatt­en, fougueux défenseur du projet.

Un septennat pour convaincre

Tout roule donc au pays des danseurs? Pas si vite. La convention passée avec l'associatio­n de ce quartier très huppé prévoit que ce pavillon, déplaçable, sera démonté dans sept ans. «L'ADC saura convaincre les habitants des avantages de sa présence, s'emballait mercredi soir Alain de Kalbermatt­en. Cette infrastruc­ture donnera vie à une zone quasi morte de notre ville.»

Le bal des marteaux-piqueurs commencera fin 2018. L'inaugurati­on, elle, est prévue début 2020. Le Pavillon précédera la Nouvelle Comédie, le Théâtre de Carouge, la Cité de la musique, autant de bâtiments flambant neufs qui redessinen­t la carte du plaisir. «Dansez, sinon nous sommes perdus», disait la chorégraph­e Pina Bausch, citée par le conseiller municipal Stéphane Guex. La ville de Jean-Jacques Rousseau pourrait en faire une devise.

 ?? (ON ARCHITECTU­RE) ?? Vue du projet de Pavillon de la danse à Genève. Les travaux débuteront à la fin de l’année.
(ON ARCHITECTU­RE) Vue du projet de Pavillon de la danse à Genève. Les travaux débuteront à la fin de l’année.

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