Le parquet genevois hérite de l’affaire Bouvier
Les sociétés de l’oligarque russe Dmitri Rybolovlev attaquent le marchand d’art devant la justice pénale de son canton. Yves Bouvier conteste avoir escroqué le milliardaire en doublant la facture des oeuvres qu’il a achetées pour lui
Le combat judiciaire opposant l'oligarque russe Dmitri Rybolovlev au marchand d'art Yves Bouvier s'est déplacé à Genève. Le premier accuse toujours le second de lui avoir surfacturé environ 1,2 milliard de francs lors de l'acquisition de 37 oeuvres destinées à constituer une collection d'exception. Convoqué le 8 février en qualité de prévenu, comme le veut logiquement la procédure en cas de plainte, celui qu'on surnommait le roi des Ports francs a un délai jusqu'au 15 mars pour transmettre au Ministère public tous les documents liés à ces transactions.
C'est le premier procureur Yves Bertossa, chargé de la section des affaires complexes, qui devra déterminer la suite donner à la procédure. Contacté, le magistrat confirme qu'une audience s'est tenue ce jeudi matin: «Yves Bouvier a été entendu suite à la plainte déposée contre lui.» Cette plainte pour escroquerie par métier et blanchiment d'argent, émanant des sociétés du milliardaire, date du mois d'août 2017. Celle-ci a d'abord été déposée au parquet bernois (Yves Bouvier étant propriétaire d'un chalet à Gstaad) mais celui-ci n'en a visiblement pas voulu. Pas plus que le Ministère public de la Confédération, qui s'est déclaré incompétent sur cet aspect.
L'audience de jeudi a été brève. Yves Bouvier a pris note des reproches des sociétés (avoir fait payer le double du prix réel d'achat), il a contesté les faits décrits dans la plainte et confirmé les explications déjà données à la justice monégasque, laquelle instruit toujours, mais dans un climat entaché par des soupçons de trafic d'influence.
Me David Bitton, désormais rejoint par Me Christian Lüscher dans la défense du marchand d'art, relève l'ironie de la situation: «Après avoir essuyé des défaites partout, et notamment à Singapour et à New York pour le volet civil, les plaignants sont contraints de saisir un procureur genevois dans l'espoir de sauver le dossier alors qu'ils avaient précisément évité de porter plainte ici.» Il ajoute: «C'est du réchauffé. Yves Bouvier est victime de harcèlement judiciaire.»
Débat sémantique
Selon Me Bitton, le ton de cette première comparution était à la prudence. «Le procureur ne lui a pas signifié des charges mais s'est contenté d'informer notre client des reproches formulés par les plaignants.» Une nuance qui alimente un débat sémantique assez vain. «Si les charges n'avaient pas été suffisantes, M. Bouvier aurait été entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements et non en qualité de prévenu», fait remarquer Me Carlo Lombardini, qui représente les sociétés de Dmitri Rybolovlev aux côtés d'Alain Macaluso et de l'avocat parisien Hervé Temime. Le feuilleton continue.
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