Russi le stylé, Collombin le fougueux
La RTS rediffuse ce vendredi «La Descente au sommet», un documentaire qui retrace les destins croisés des deux mythiques descendeurs de ski alpin au début des années 1970
On s’en souvient comme si c’était hier. Lundi 7 février 1972, vers 4 heures du matin. La fratrie du signataire de ces lignes, alors âgée de 8 à 12 ans à peine, avait reçu l’autorisation tout à fait exceptionnelle de faire chauffer le poste cathodique pour regarder, en noir et blanc, la descente de ski alpin aux Jeux olympiques de Sapporo, au Japon. Quelques minutes plus tard, le sort en était jeté, et le triomphe acquis pour plusieurs années. Premier: Bernhard Russi (CH). Deuxième: Roland Collombin (CH).
Près d’un demi-siècle après, et alors que s’ouvrent les JO à Pyeongchang, Temps Présent a diffusé jeudi soir un documentaire signé Pierre Morath, qui retrace les destins conjoints de ces deux champions, ceux du sage Uranais et de l’imprévisible Valaisan, coéquipiers qu’alors tout opposait. Les Suisses allaient commencer, pendant quelque quatre années, à «rater la soupe de midi» pour suivre leurs exploits sur le circuit. Des foules galvanisées, qui inspirent encore aujourd’hui sur Twitter le vigneron Raymond Paccot, du domaine @VinLaColombe, à Féchy (VD), où il reçoit l’autre «Colombe» pour une dégustation et conseille le visionnement du doc.
Le film, qui n’est hélas pas sans longueurs, a en tout cas le mérite de montrer avec passion cet affrontement entre le gendre idéal, skieur sérieux, stylé et racé, toujours élégant, et le chien fou de Versegères, fonceur impulsif plutôt casse-cou, fêtard et volontiers provocateur. Depuis 1970 à Val Gardena, Russi détenait le titre de champion du monde de descente, Collombin émergeait à peine. Mais très vite, dans la foulée de l’aîné, à eux deux, ils mettaient fin à plusieurs années de domination insolente des Français dans la discipline reine du ski.
A travers de nombreuses images d’archives et d’interviews contemporaines, La Descente au sommet nous fait revivre ces heures glorieuses du ski suisse, comme la mise en scène de deux tempéraments: précision épurée pour le natif d’Andermatt et fougue indomptable pour le Valaisan. Lequel finira par le payer très cher, lors d’une terrible chute survenue à Val-d’Isère en 1975, dont il s’est miraculeusement sorti.
Russi, Collombin, ces noms ne disent peut-être plus grand-chose aux jeunes générations – quoique… Mais ils éveillent des souvenirs immortels chez les autres, qui se souviennent «des rues vides» et des «cafés pleins à craquer» lors des courses. «Deux visages du ski suisse… et d’une époque», comme s’en émeut aussi @Jeuyl sur Twitter, après d’autres téléspectateurs qui ont déjà vu le film de Morath à la télévision alémanique mercredi soir et ont revécu la légende avec des frissons dans l’échine.
«A l’époque, je tenais pour Collombin, écrit @rolandvoser, bien que Russi me fût plus sympathique.» Il faut dire que les médias créaient à chaque fois une tension dramatique autour des deux champions, qui en jouaient admirablement bien en laissant le soin à chaque Suisse de «choisir son héros», comme le relève un sociologue sur le site de la RTS.
Au-delà, leur coéquipier historique Philippe Roux rappelle dans le film «l’énorme enthousiasme» que cette rivalité avait déclenché dans tout le pays. Et aussi les larmes s’éjectent aujourd’hui encore lorsqu’on revoit cette séquence mythique de Collombin félicitant Russi depuis son lit d’hôpital pour sa deuxième place à la descente des Jeux d’Innsbruck, en 1976. Ce, juste derrière le non moins mythique Autrichien Franz Klammer, qu’@ebenTHEODORA considère comme l’arbitre final. A voir avant la descente de Pyeongchang ce dimanche, où un certain Beat Feuz répétera peut-être l’histoire.
«Bernhard Russi et Roland Collombin: la descente au sommet», sur RTS Deux, ve 9 février à 22h (disponible en ligne après diffusion jusqu’au 7 mars).