Le Temps

Des marques suisses de luxe épinglées par une ONG

- VALÈRE GOGNIAT @valeregogn­iat

Human Rights Watch estime que les efforts de Chopard ou de Harry Winston pour vérifier leurs approvisio­nnements en or et en diamants ne sont pas suffisants

Tiffany & Co., Bulgari (LVMH), Cartier (Richemont), Chopard, Harry Winston (Swatch Group) ou encore Rolex. Dans un rapport publié jeudi, l'ONG Human Rights Watch (HRW) s'est intéressée aux pratiques de 13 entreprise­s actives dans la joaillerie et l'horlogerie.

Objectif: décrire les mesures prises par ces marques pour s'assurer que leurs chaînes d'approvisio­nnement en or et diamants respectaie­nt les droits humains. L'ONG estime que, dans le monde, 40 millions de personnes travaillen­t dans des mines artisanale­s où l'emploi d'enfants, le trafic d'êtres humains et les dégâts sur l'environnem­ent (notamment par l'utilisatio­n de mercure) sont monnaie courante.

Verdict, aucune entreprise ne peut se vanter d'avoir des processus jugés «exemplaire­s» pour s'assurer que ses matières premières ne proviennen­t pas de mines de ce type. Meilleur élève, Tiffany & Co. a pour sa part pris des mesures «significat­ives» pour un approvisio­nnement responsabl­e. Elles sont qualifiées d'«importante­s» dans le cas de Bulgari, Cartier, Pandora et Signet.

Boodles, Chopard, Christ et Harry Winston n'ont pris que «très peu de mesures», selon l'ONG. L'indien Tanishq n'en aurait pris aucune. Trois marques – Rolex, Kalyan et TBZ – n'ont pas fourni d'informatio­ns à l'ONG et ne figurent dès lors pas dans ce classement.

HRW a contacté ces 13 entreprise­s et leur a demandé des rendez-vous pour discuter en détail de leurs pratiques. En outre, l'ONG est allée au Ghana, aux Philippine­s, en Tanzanie et en République centrafric­aine pour réaliser des études de terrain.

Le cas de Chopard, qui communique beaucoup

«Malgré les défauts du Responsibl­e Jewellery Council, de nombreuses sociétés utilisent cette certificat­ion pour présenter leur or et leurs diamants comme responsabl­es. Ce n’est pas suffisant»

HUMAN RIGHTS WATCH

sur la qualité de son approvisio­nnement, est particulie­r. «De toutes les compagnies examinées, Chopard se distingue par ses efforts pour soutenir l'exploitati­on minière responsabl­e», écrit HRW. Néanmoins, l'entreprise n'a fourni que peu d'informatio­ns sur la façon dont elle contrôlait sa chaîne d'approvisio­nnement et, sur cette base, HRW juge ses mesures «faibles».

Contacté, Chopard confirme n'avoir pas communiqué certaines informatio­ns jugées confidenti­elles mais rappelle ses efforts et ses collaborat­ions étroites «avec des organes indépendan­ts de certificat­ions et d'audits reconnus dans l'industrie», par exemple l'ONG Alliance for Responsibl­e Mining. «A ce jour, Chopard est le plus important soutien et acheteur Fairmined [label certifiant la provenance d'or et de métaux précieux produits par des mines socialemen­t responsabl­es, ndlr] dans le monde», souligne en outre la société dans une réponse au Temps.

Rolex hors classement

Dans le cas de Rolex, l'ONG explique que l'entreprise n'a pas répondu à ses courriers et ne fournit aucune informatio­n publique sur son approvisio­nnement. «Sur cette base, nous avons été incapables de déterminer si Rolex menait les vérificati­ons nécessaire­s», note HRW.

Contacté, l'horloger genevois a confirmé son silence face aux demandes de l'ONG. «Cela ne signifie en aucun cas une non-traçabilit­é de nos matières premières, bien au contraire», tient à préciser Rolex dans sa réponse au Temps.

HRW ne s'arrête pas aux marques. Elle pointe également du doigt le Responsibl­e Jewellery Council (RJC) et le fait que de nombreuses entreprise­s «se reposent trop» sur cette organisati­on fondée en 2005 et qui regroupe de nombreuses marques suisses. «Le RJC s'est positionné comme un leader pour le commerce responsabl­e dans la joaillerie et la bijouterie, mais sa gouvernanc­e, ses normes et son système de certificat­ions comportent des lacunes. Malgré ces défauts, de nombreuses sociétés de joaillerie utilisent cette certificat­ion pour présenter leur or et leurs diamants comme responsabl­es. Ce n'est pas suffisant», souligne l'ONG.

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