Roger Federer, animal à sang froid
TENNIS En s’inscrivant au tournoi de Rotterdam, où une demi-finale lui suffirait à redevenir numéro un mondial, le Bâlois démontre une fois de plus son extraordinaire capacité à attendre son heure et à saisir les opportunités
Roger Federer va redevenir numéro un mondial. Pourquoi? Parce qu’il s’est inscrit mercredi au tournoi indoor de Rotterdam, un ATP 500, où une place en demi-finale samedi 17 février lui garantira les 180 points nécessaires à combler les 155 de retard qu’il compte actuellement sur Rafael Nadal.
Après avoir botté en touche et promis de «disparaître un moment», le Bâlois opère donc un spectaculaire revirement. Il ne peut plus s’en cacher: lundi 19 février, il veut apparaître au sommet du classement ATP pour la 303e semaine de sa carrière (record de durée), plus de cinq ans après en avoir été déchu (record de latence), à 36 ans passés (record d’ancienneté). Il ne l’aurait pas fait à tout prix et a soigneusement écouté son corps et son entourage avant de se décider.
Comme tous les signaux étaient positifs, Roger Federer a laissé libre cours à son ego. S’inscrire à Rotterdam démontre qu’il est beaucoup moins insensible aux records qu’il ne veut bien l’admettre. Quoi de plus normal. Un champion est autant fait d’ambition que de passion.
Le meilleur lorsque ça compte vraiment
Il n’y a rien de fait mais il va (probablement) le faire. Principalement parce qu’il l’a décidé. Lorsque l’on suit de loin le tennis, on imagine que Federer gagne tout depuis quinze ans parce qu’il est supérieur aux autres. C’est beaucoup plus subtil que ça: Federer gagne parce qu’il est le meilleur lorsque ça compte vraiment. S’il flaire une ouverture, renifle l’odeur du sang, l’esthète devient alors un oiseau de proie, un félin en chasse. Un animal à sang froid.
Au fil des saisons, il joue de moins en moins de tournois et se concentre de plus en plus sur les instants décisifs: deux points pour mener 0-30 et mettre la pression en fin de manche, un ace autoritaire pour se donner de l’air, un tie-break bien négocié, des balles de break sauvées. Ce n’est pas toujours spectaculaire sur le moment mais très impressionnant sur la durée.
On a souvent cru, dit, écrit que Federer avait raté sa chance. Manqué une opportunité qui ne se représenterait plus. Tout le monde pensait, après ses trois finales perdues consécutivement (2006, 2007, 2008), qu’il ne gagnerait jamais Roland-Garros. Et puis, la seule année où Nadal a faibli (2009), il était là. Bouffé par la pression, au bord du KO contre Haas et Del Potro, mais là.
Ses larmes ont séché
Même chose lors de sa victoire à Wimbledon en 2012, après deux années blanches. Même chose en 2014 avec la Coupe Davis, cette épreuve qu’il ne jouait plus mais qu’il surveillait du coin de l’oeil. Un Wawrinka en état de grâce, un Djokovic absent au premier tour, un tableau favorable, et il empochait le saladier d’argent en 2014. On pourrait aussi citer son Wimbledon 2017, après quatre ans de déceptions à Londres, et bien sûr sa victoire à l’Open d’Australie en 2018, alors que tous s’écroulaient autour de lui.
Une seule fois, Roger Federer a failli à se saisir d’une opportunité. En août 2012, lors de la finale du tournoi olympique des Jeux de Londres. C’était à Wimbledon pourtant, mais vidé physiquement (4h30 de match) et émotionnellement (il avait fini en larmes) par sa demi-finale contre Del Potro, il n’avait plus la force de s’opposer à Andy Murray en finale. Mais cette fois, ses larmes de Melbourne auront eu le temps de sécher.
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