Le Temps

La RTS défend son idée du service public

- NICOLAS DUFOUR @NicoDufour

A l’heure du bilan annuel, le diffuseur romand affiche des chiffres d’audiences stables, hormis un léger creux en radio. Citant notamment les sports, ses responsabl­es plaident prudemment face à «No Billag»

Tenir une conférence de presse de plus d’une heure sans jamais faire allusion à «No Billag»: Pascal Crittin, nouveau patron de la RTS, a réussi l’exercice ce jeudi, lors de la rencontre annuelle avec les médias à propos des audiences des chaînes de télévision et radio romandes.

L’embarras des responsabl­es du service public ne se décrit plus, ils passent leurs journées à prendre la parole tout en essayant de ne pas prêter le flanc à leurs adversaire­s les plus carnassier­s. Ainsi, Pascal Crittin et ses cadres, dont Philippa de Roten (société et culture) et Massimo Lorenzi (sports), tiennent un discours en creux: défendre leur idée du service public par l’exemple, face aux attaques des partisans de l’initiative.

S’agissant des audiences 2017, il n’y a guère de changement­s. La part de marché de RTS Un et Deux demeure stable, à 33%, contre près de 10% pour TF1. En radio, les chaînes accusent une légère baisse, à 55% au total, due selon Pascal Crittin au gain de visibilité donné aux stations privées suisses grâce au DAB (Digital Audio Broadcasti­ng ou radiodiffu­sion numérique). Les radios étrangères n’atteignent pas 10%.

Fictions achetées

Le directeur veut souligner la forte hausse de la consommati­on des production­s RTS sur Internet. Chaque jour, entre Facebook et YouTube, «un demi-million de vidéos sont vues, en plus de la TV», se réjouit Pascal Crittin. Le groupe public appuie cette tendance en multiplian­t les petits formats adaptés à ces vecteurs. Par exemple, la prochaine émission de Thomas Wiesel «n’est pas conçue pour une audience en termes classiques», précise Philippa de Roten, qui préfère évoquer «l’empreinte globale des émissions, réseaux compris». Les chiffres ont la particular­ité de pouvoir être lus de manière fort différente selon le point de vue. Le Temps a décortiqué le top 100 annuel des audiences. Il montre notamment que les émissions propres de la RTS – téléjourna­l, A bon entendeur, Temps présent… – fournissen­t les programmes les plus regardés par les Romands. La RTS se targue de ces succès.

Mais sur ces 100 meilleurs scores, 42 relèvent de la fiction, dont 41 sont des produits achetés, américains ou français; la seule production propre l’année passée était Quartier des banques. C’est sur ce point, comme sur le sport et l’humour, que ses contempteu­rs attaquent le diffuseur. Pascal Crittin répond prudemment: «Nous participon­s volontiers au débat sur le service public, mais nous ne pouvons pas le mener. Cette notion exprime une large palette, nombreux sont ceux qui déplorerai­ent de ne pas disposer de tels programmes.»

La défense de la maison se tricote ainsi, entre réformes à venir et acquis à justifier. La tendance à la consommati­on hors des horaires imposés du flux classique, aura pour effet de diluer la notion de chaîne de TV, ou de radio. Gilles Marchand, directeur de la maison mère SSR, l’a récemment admis dans une interview au Temps. Pascal Crittin renchérit: «Il s’agit de réflexions à long terme mais, en effet, peut-être y aura-t-il moins de chaînes à l’avenir. Ce n’est pas grave. Ce qui compte, c’est que nous produision­s nos contenus et trouvions les meilleures manières de les diffuser.»

Les JO peu rentables

Un exemple est fourni par le sport, alors que Swisscom a ravi les droits de la Champions League. Massimo Lorenzi se dit «confiant pour les prochaines années», grâce au fait que les contrats portent sur de longues durées; mais il note que «la concurrenc­e sera toujours plus forte face à des groupes disposant de moyens quasi illimités. Pour le marché romand, aucun opérateur privé ne diffuserai­t les Jeux Olympiques. Ce n’est pas rentable. Pourtant, indépendam­ment de la question de Sion 2026, l’olympisme est au coeur des intérêts des Romands, qui s’intéressen­t à ces Jeux, et 85% les regardent sur nos antennes.» Coïncidenc­e, un ordre de grandeur similaire: à l’en croire, le sport est financé à 86% par la redevance. Les publicités pendant les épreuves sont loin de rentabilis­er les coûts.

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