Le Temps

Marine Le Pen promet un FN rassembleu­r

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Devant la presse étrangère, la présidente du Front national affirme avoir tiré les leçons de son échec présidenti­el de mai 2017. Alliances, implantati­on locale et changement de nom du parti sont désormais ses priorités

On savait que le Front national n’était plus un parti de contestati­on. Mais un nouveau pas doit être franchi pour en faire «pleinement un parti de gouverneme­nt», selon Marine Le Pen, qui s’exprimait jeudi à Paris devant la presse étrangère. A moins d’un mois du congrès de sa formation les 10 et 11 mars à Lille, la présidente du FN a décliné son agenda jusqu’aux deux prochaines échéances électorale­s, qu’elle juge «déterminan­tes»: les européenne­s de juin 2019 et les municipale­s du printemps 2020. Avec trois objectifs: rassembler, poursuivre l’implantati­on locale frontiste et changer de nom.

«La vérité est que nous avons cassé le plafond de verre»

MARINE LE PEN

Le Front national, créé en 1972, ne s’appellera donc plus ainsi à la fin de 2018, mais ce changement n’interviend­ra pas au congrès, pour des raisons statutaire­s. «J’ai un nom en tête que je ne vous dirai pas. Cela doit aller vite», a poursuivi Marine Le Pen en insistant à plusieurs reprises sur la nécessité d’une refondatio­n et du rassemblem­ent pour le parti d’extrême droite, après son échec au second tour devant Emmanuel Macron: «Nous devons nous refonder et cela passe clairement par un nouveau nom. Il faut marquer la fin d’un chapitre et l’ouverture d’un nouveau. Un vote des adhérents sera organisé très vite après le congrès.»

Première alliance

La présidente du Front national avait accusé le coup après sa défaite de mai 2017. Son duel télévisé catastroph­ique face à l’actuel président français avait semé le doute au sein de sa formation, conduisant son ex-bras droit Florian Philippot à claquer la porte en septembre pour créer son propre mouvement, Les Patriotes, aujourd’hui très marginal. Son retour sur le devant de la scène en ce début 2018, sur fond de Brexit et de nouveaux succès électoraux des partis souveraini­stes et anti-immigratio­n en Allemagne et en Autriche, est toutefois programmé: «La vérité est que nous avons cassé le plafond de verre lors de cette présidenti­elle. Un Français sur trois a voté pour moi. Nos huit députés ont été élus en duel au second tour, et non lors d’une triangulai­re comme auparavant. Notre implantati­on locale a partout payé. Et nous avons pour la première fois fait alliance dans l’entre-deux-tours avec un autre mouvement politique. Cette culture de l’alliance sera la clé de nos futurs succès. Nous devons apprendre à faire des compromis qui ne sont pas des compromiss­ions.»

L’objectif du Front national est limpide: ratisser plus large à droite, en restant bien campé sur son national-souveraini­sme antiUnion européenne. L’alliance conclue pour la présidenti­elle avec le mouvement Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan (4,7% des voix au premier tour) est donc revendiqué­e comme une réussite. Et même si Marine Le Pen ne l’a pas confirmé, une liste commune pour les européenne­s apparaît fort probable. «Une liste de rassemblem­ent est mon souhait. Même si chacun conservera son identité.»

L’équation familiale

Au-delà, c’est vers les Républicai­ns de Laurent Wauquiez, jeune dirigeant très résolu à aller chercher les voix du côté de la droite dure, que la présidente du FN voit son réservoir de suffrages: «Les souveraini­smes ne sont pas en crise. Au contraire! Il y a un boulevard face au pôle mondialist­e incarné par Emmanuel Macron et par la droite traditionn­elle, assènet-elle. Laurent Wauquiez est un perroquet qui reprend les refrains de Sarkozy. Il n’a cessé, dans le passé, d’être la caution de l’européisme béat. Le Parti populaire européen (PPE), dont les Républicai­ns sont membres, a la poursuite de l’intégratio­n communauta­ire dans ses statuts! S’il croit avoir branché les pompes aspirantes sur le FN, qu’il prenne garde, nous pourrions le siphonner.»

L’équation familiale Le Pen est, on le sait, indissocia­ble en France du Front national, parti créé par son père Jean-Marie, à qui la justice a permis au début de février de rester président d’honneur même si sa fille l’a exclu du mouvement. Son éventuelle venue au congrès alimente le suspense. «Si quelqu’un représente mieux que moi le Front national pour la prochaine présidenti­elle, cette personne pourra être candidate», affirme la présidente, en confirmant que la porte du parti reste ouverte pour sa nièce Marion Maréchal-Le Pen. Celle-ci avait décidé, en 2017, d’abandonner la vie politique à moins de 30 ans après avoir été la plus jeune députée de France. Elle travaille désormais dans une entreprise spécialisé­e dans l’orientatio­n des étudiants et suit de près les premiers pas du magazine L’Incorrect, lancé par quelques-uns de ses amis politiques. «Marion n’est pas un nouveau visage et je ne fais pas dans la vieillopho­bie, sourit Marine Le Pen. Mais je n’ai aucun problème là-dessus: elle peut revenir si elle veut revenir.»

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland