Le Temps

«La définition du viol est trop restrictiv­e en Suisse»

- PROPOS RECUEILLIS PAR BORIS BUSSLINGER @BorisBussl­inger

Le Conseil fédéral propose d’accepter une motion visant à élargir la qualificat­ion légale du viol. Trois questions à son auteure, la socialiste genevoise Laurence Fehlmann Rielle

L'article du Code pénal suisse qui définit le viol pourrait bientôt être modifié. Après plusieurs refus d'entrée en matière au cours des dernières années, le Conseil fédéral a en effet proposé d'accepter, ce mercredi, une motion déposée au parlement par la conseillèr­e nationale Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE). Pour cette élue, la définition en vigueur, limitée à la «contrainte d'une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel», est insuffisan­te. Quel problème la définition du viol du Code pénal suisse pose-t-elle? Elle est trop restrictiv­e et ne s'applique qu'aux femmes. Seule la pénétratio­n vaginale d'une femme par un homme constitue un viol, ce qui exclut tout viol masculin et minimise d'autres types de contrainte­s sexuelles. Une sodomie ou une fellation forcée tombera par exemple dans la catégorie «contrainte sexuelle», infraction pour laquelle aucune peine minimale n'est prévue et dont la punition peut se limiter à une sanction pécuniaire. Cette approche est dépassée, la loi doit s'adapter aux changement­s sociétaux.

En 2014, une motion visant le même objectif s’était vue opposer une fin de non-recevoir par le gouverneme­nt. Comment expliquer le revirement du Conseil fédéral? La Suisse doit de toute façon adapter sa législatio­n après la ratificati­on en 2016 de la convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, qui ne fait pas de distinctio­n entre hommes et femmes ni ne cantonne le viol à «l'acte sexuel». Le climat actuel de libération de la parole autour de la question du harcèlemen­t sexuel a certaineme­nt aussi joué un rôle. Les milieux homosexuel­s donnent par ailleurs de la voix, très choqués par la terminolog­ie pénale actuelleme­nt en vigueur dans ce domaine.

Comment se positionne la Suisse par rapport à ses voisins? En France, le viol est défini comme tout acte de pénétratio­n sexuelle de quelque nature que ce soit, commis sur autrui par violence. La situation est similaire en Allemagne. La législatio­n suisse est l'une des seules en Europe à opérer une distinctio­n entre viol et contrainte sexuelle et à punir de manière différente des actes tout aussi traumatisa­nts l'un que l'autre pour les victimes. Je salue donc la prise de position du Conseil fédéral, qui constitue un véritable pas en avant. Dans sa réponse, le gouverneme­nt précise toutefois que «la notion de viol ne couvrira que les actes analogues à l'acte sexuel, et non tous les actes d'ordre sexuel subis sous la contrainte». La question reste donc ouverte, les travaux parlementa­ires décideront de la teneur exacte des nouveaux textes de loi.

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LAURENCE FEHLMANN RIELLE CONSEILLÈR­E NATIONALE (PS/GE)

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