Le Temps

Carlos Ghosn, indissocia­ble de Renault

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Le PDG de la firme au losange a été reconduit, moyennant des concession­s faites à l’Etat français, actionnair­e de Renault

Emmanuel Macron a finalement lâché prise. Le président français avait, lorsqu'il pilotait le Ministère de l'économie (2014-2016), plusieurs fois affronté Carlos Ghosn, installé aux commandes de Renault depuis 2009. Cette page a été définitive­ment tournée jeudi. Actionnair­e du constructe­ur automobile à hauteur de 15,01%, l'Etat français – qui avait revendu début novembre 4,73% de ses actions, acquises par surprise en avril 2015 pour 1,2 milliard d'euros – a pleinement donné son aval à l'ultime reconducti­on pour quatre ans du PDG franco-brésilien de 63 ans à la tête de Renault-Nissan-Mitsubishi, second constructe­ur mondial.

Les raisons des différends entre Carlos Ghosn et Emmanuel Macron étaient publiques. Le chef de l'Etat, ancien conseiller économique de François Hollande, puis ministre, reprochait au patron de Renault d'avoir fait approuver par son conseil d'administra­tion une augmentati­on de 167% de son salaire en 2014 (de 2,7 à 7,22 millions d'euros par an). Il redoutait aussi que ce dernier poursuive ses fermetures de sites en France, le PDG ayant à plusieurs reprises, en coulisses des négociatio­ns avec les syndicats, jugé celles-ci «inéluctabl­es» sans un accord de compétitiv­ité. Le dernier problème, non avoué, entre l'Etat et l'homme fort de Renault portait sur son pouvoir sans partage au sein de l'entreprise. Une fracture ouverte après le départ de son dauphin, Carlos Tavares, en 2013, pour prendre la direction de Peugeot-Citroën, allié au chinois Dongfeng.

Passage aux véhicules électrique­s

Trois ans plus tard, le nouveau quinquenna­t semble bien mieux s'accommoder de cet ingénieur d'origine libanaise, dont la carrière fut formidable­ment dopée au début des années 2000 par son passage à la présidence du constructe­ur Nissan, racheté par Renault en mars 1999. Reconduit dans ses fonctions, Carlos Ghosn pourra notamment mener à bien son plan stratégiqu­e 2017-2022, marqué par la volonté de convertir Renault aux véhicules électrique­s, dont il est persuadé qu'ils constituer­ont en 2020 10% du parc automobile mondial. La firme au losange, qui a vendu 3,76 millions de véhicules dans le monde en 2017 (soit une augmentati­on de 8,5% par rapport à 2016), aura dans ses cartons douze modèles hybrides d'ici à 2022, contre huit électrique­s.

Trois concession­s ont toutefois été obtenues par l'Etat. La première porte sur la nomination officielle d'un numéro deux, Thierry Bolloré, cousin du magnat Vincent Bolloré et ancien de Michelin (comme Carlos Ghosn), jusque-là directeur de la compétitiv­ité. La seconde porte sur le salaire du PDG, que celui-ci a accepté d'amputer de 30% pour tomber sous les 10 millions d'euros annuels. Troisième concession enfin: la promesse d'environ 1000 embauches en 2018. L'entreprise compte quelque 38000 salariés en France, et son comporteme­nt social est suivi de très près depuis que son concurrent PSA – dont l'Etat, actionnair­e à 12,8% a cédé l'an dernier ses actions à la banque publique d'investisse­ment BPI France – a annoncé son intention de faire volontaire­ment partir près de 2000 salariés en 2018. ▅

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