Le jour de gloire de la délégation suisse
Beat Feuz, Wendy Holdener et surtout Dario Cologna ont fait du vendredi 16 février une journée mémorable pour le sport helvétique en Corée du Sud. Après un début de quinzaine difficile, l’optimisme est de retour
Le vendredi 16 février 2018 était un jour de fête en Corée du Sud. La population locale célébrait le Nouvel An lunaire – beaucoup plus important pour elle que la Saint-Sylvestre – et l'entrée dans l'année du chien. L'atmosphère festive a donné des idées aux athlètes suisses, qui ont fait en sorte d'avoir quelque chose à arroser eux aussi. La délégation helvétique avait péniblement récolté deux médailles en six jours de compétition, voilà qu'elle en amasse une de plus en moins de six heures, grâce à trois de ses représentants les plus en vue: Dario Cologna (or), Beat Feuz (argent) et Wendy Holdener (argent). Leurs efforts conjugués offrent au sport national l'une de ses journées les plus fructueuses aux Jeux olympiques.
Le soir venu, il y avait une jolie affluence pour eux à la Maison suisse, beau bâtiment de style chalet moderne sis au pied des pistes de ski de Yongpyong. Entre les cahutes servant rösti, saucisses grillées et raclettes, la mini-patinoire pour s'exercer au hockey sur glace et les feux allumés pour ne pas geler sur place, l'ambiance était enfin à la célébration. Jusque-là, seuls les curleurs Jenny Perret et Martin Rios étaient montés à l'une des plus belles stations de Corée du Sud avec une médaille (d'argent) à présenter au public. La veille, Beat Feuz avait déjà décroché le bronze lors de la descente mais la petite réception en son honneur avait été reportée en attendant le super-G, histoire de ne pas y compromettre ses chances. Cela valait le coup d'attendre.
Feuz, l’argent «inattendu»
Vendredi, la plus belle médaille aura été la dernière, avec le troisième titre olympique consécutif sur 15 kilomètres style libre décroché par Dario Cologna sur la neige d'Alpensia. Pour le Grison de 31 ans, ces Jeux olympiques comptaient énormément. Il a tout donné pour retrouver son meilleur niveau à temps. Il a insisté pour porter le drapeau suisse lors de la cérémonie d'ouverture. Il incarne auprès des plus jeunes athlètes une sorte de grand frère, fort et serein, capable d'indiquer le chemin à suivre. Le voilà paré de quatre médailles d'or remportées lors de trois éditions consécutives des JO, à Vancouver en 2010, Sotchi en 2014 et désormais Pyeongchang en 2018. Il n'y a que Simon Ammann (en saut à skis) et Georges Miez (en gymnastique dans les années 20 et 30) à avoir amassé autant du plus précieux des métaux aux Jeux olympiques.
Si Dario Cologna en a tiré le bouquet final, le feu d'artifice helvétique avait commencé plus tôt, dans la station de Jeongseon, où se déroulent les épreuves de ski alpin. Déjà récompensé du bronze lors de la descente, Beat Feuz s'est paré d'argent lors d'un super-G remporté par l'Autrichien Matthias Mayer. La veille, sa troisième place pouvait avoir un arrière-goût amer pour un homme en qui beaucoup de spécialistes voyaient un futur vainqueur en puissance. Mais ce deuxième podium lève toutes les réserves: le Bernois a réalisé, à 31 ans, de grands Jeux olympiques, même s'il ne faut pas compter sur lui pour en rajouter. «C'était spécial de gagner une médaille de bronze en descente, ça l'est encore plus de remporter l'argent en super-G, une discipline où personne, personne ne citait mon nom parmi les favoris.»
L'émotion de cette troisième médaille suisse à peine digérée, les alertes crépitaient sur les téléphones portables. A quelques dizaines de kilomètres de Jeongseon, Wendy Holdener venait de s'emparer de l'argent lors du slalom féminin disputé dans la station de Yongpyong. En tête du classement après la première manche, la Schwytzoise de 26 ans avait quelques regrets à nourrir. Grande dominatrice de la discipline depuis plusieurs années, l'Américaine Mikaela Shiffrin est un peu passée à côté de sa course et n'a terminé que quatrième. Une voie royale semblait tracée pour la Suissesse, véritable Poulidor du slalom avec ses quinze podiums en Coupe du monde sans la moindre victoire, mais la Suédoise Frida Hansdotter l'a devancée de 5 minuscules centièmes de seconde.
«Oh non! Si proche…»
«Quand j'ai franchi la zone d'arrivée et que j'ai regardé le tableau d'affichage, je me suis dit: Oh non! Si proche… Mais sincèrement, je me suis rendu compte dès le début de ma deuxième manche que je ne skiais pas aussi bien que lors de mon premier passage. Alors je suis contente du résultat. Vraiment. Si, avant la course, vous m'aviez tendu un papier qui me garantissait la deuxième place, j'aurais signé sans hésiter», souriait-elle en conférence de presse.
«Et puis, cette médaille d'argent m'enlève un poids, reprenait-elle. J'aborderai les prochaines courses avec moins de pression…» Chouchoute du public en Suisse alémanique, où sa simplicité fait d'elle une véritable star, Wendy Holdener aura encore deux occasions de briller en Corée du Sud avec le combiné alpin (dont elle est championne du monde en titre) et le team-event (où la Suisse alignera une formation redoutable). Peutêtre que pour l'or, ce n'est que partie remise…
Avec cette moisson de bons résultats, la délégation suisse renoue avec un certain optimisme. Jusque-là, l'objectif officiel annoncé par Swiss Olympic – récolter plus de onze médailles en Corée du Sud – semblait jour après jour de plus en plus compliqué à atteindre. Mais les skieurs alpins semblent témoigner du même appétit qui leur avait permis de monter sur les podiums des championnats du monde de Saint-Moritz à six reprises il y a exactement une année, ce qui est de bon augure pour la suite du programme. Encore un petit effort et Ralph Stöckli, le chef de mission, pourra affirmer dimanche matin, à l'heure du bilan à mi-parcours, que la moitié du chemin est effectuée. ■
«Remporter l’argent en super-G est d’autant plus spécial que dans cette discipline, personne ne citait mon nom parmi les favoris»
BEAT FEUZ