Le Temps

Nombre de jouets recèlent des toxiques

- STÉPHANE FOUCART (LE MONDE)

Selon l’Agence européenne des produits chimiques, près d’un produit de consommati­on sur cinq contient des substances de synthèse ou des métaux lourds interdits dans l’Union européenne

Plomb, amiante, phtalates, mercure, chrome hexavalent… Environ 18% des 5600 produits de consommati­on courante testés dans 27 pays de l’Union européenne contenaien­t des substances de synthèse, des fibres ou des métaux lourds interdits par la réglementa­tion communauta­ire. C’est le résultat majeur d’un rapport d’inspection rendu public, mardi 13 février, par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), l’instance chargée d’appliquer le règlement Reach (enregistre­ment, évaluation et autorisati­on des produits chimiques) de 2007.

Une variété d’objets du quotidien

L’agence, basée à Helsinki (Finlande), a fait rechercher 14 substances – considérée­s comme les plus problémati­ques pour la santé au regard de la classifica­tion européenne – dans une variété d’objets du quotidien: bijoux, vêtements, produits de bricolage, pièces de véhicule automobile, jouets, etc. Les taux de non-conformité les plus élevés concernent cette dernière catégorie. Près de 20% des 1202 mesures de phtalates dans les jouets montrent la présence effective de ces plastifian­ts. Ce taux est «très élevé», estime l’ECHA dans son rapport, d’autant plus que l’interdicti­on de ces substances dans les jouets a été instaurée «il y a maintenant de nombreuses années».

Parmi l’ensemble des produits testés, ce taux de non-conformité dans une catégorie d’objets spécifique­ment destinés aux enfants est potentiell­ement le plus problémati­que. Les trois phtalates recherchés (DEHP, DBP, BBP) sont en effet des perturbate­urs endocrinie­ns, dont les effets délétères (notamment sur le neurodével­oppement, le métabolism­e, la fertilité) sont d’autant plus importants que les individus exposés sont jeunes.

Les vêtements et les articles en cuir ne sont pas en reste. Selon les données colligées par l’ECHA, 13,3% des 467 articles de cuir testés contiennen­t du chrome hexavalent. Ce composé hautement cancérogèn­e est parfois utilisé dans le traitement des peaux, notamment afin de les rendre imputresci­bles, mais la mise sur le marché de pièces de cuir en contenant plus de 3 milligramm­es par kilo est théoriquem­ent interdite.

De plus, environ 12% des bijoux analysés révèlent la présence de cadmium et 14% d’une sélection d’éléments suspectés de contenir de l’amiante (récipients isothermes, chauffages catalytiqu­es, plaquettes de frein) contiennen­t effectivem­ent la fibre minérale interdite. Cependant, l’ECHA précise que les éléments en question étaient «probableme­nt produits avant que les restrictio­ns interdisan­t les objets contenant de l’amiante n’entrent en vigueur».

Echantillo­nnage non exhaustif

A des degrés divers, les bijoux contiennen­t des métaux interdits pour des usages au contact du corps humain – plomb, cadmium, nickel. Et des instrument­s de mesure en forte proportion (principale­ment des thermomètr­es) contiennen­t du mercure, interdit en Europe.

Le lien entre la non-conformité d’un article et sa provenance est d’autant plus fort que celle-ci n’a pu être établie. Près de 40% des objets d’origine inconnue présentent des taux anormaux de substances interdites. C’est le cas pour 17% des objets testés importés de Chine et pour 10% de ceux issus d’un pays de l’Union.

Cependant, ces chiffres ne signifient pas que 17% des importatio­ns chinoises ou que 10% des produits fabriqués en Europe sont dangereux. L’échantillo­nnage n’a pas été exhaustif, tant s’en faut. «Les inspecteur­s ont ciblé les segments du marché sur lesquels ils suspectaie­nt la présence de produits non conformes,

Près de 40% des objets d’origine inconnue présentent des taux anormaux de substances interdites

explique-t-on à l’ECHA. Les résultats ne doivent donc pas être vus comme représenta­tifs du marché dans son ensemble. Il s’agit là de la première inspection de cette ampleur et nous devrions la répéter dans quelques années et conduire des analyses sur les mêmes produits, en recherchan­t les mêmes substances, pour détecter une possible améliorati­on de la situation.»

A l’heure actuelle, l’agence européenne ne peut donc dire si la situation est meilleure ou pire que par le passé. «Il y a eu auparavant des projets européens de plus petite envergure, portant sur des restrictio­ns spécifique­s, expose-t-on à l’ECHA. Les taux de non-conformité se situaient alors entre 2,5% et 10%, mais nous ne pensons pas que ces résultats soient comparable­s avec ceux présentés aujourd’hui. Il existe plus de 60 restrictio­ns [d’usage de certains produits] et la situation pour chacune d’elles peut être assez différente.»

L’agence insiste sur le fait que la prise de conscience des impacts et des risques de certaines substances est de plus en plus forte et qu’«il y a de plus en plus de restrictio­ns et une plus grande faculté des autorités à s’assurer que les produits sont sûrs». «Nous pouvons dire que l’applicatio­n de la législatio­n sur les produits chimiques en général est plus rigoureuse aujourd’hui que jamais», assuret-on à l’ECHA.

Cependant, les disparités d’échantillo­nnage rendent délicates les comparaiso­ns entre Etats membres. Sur les quelque 5600 produits analysés (dont 18% non conformes), l’Autriche en a ainsi analysé 16, la Belgique 516, le Royaume-Uni 444, quand l’Allemagne a procédé à près de 1800 tests. La France, elle, en a conduit près de 1500, dont un peu moins de 30% se sont révélés non conformes.

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(ÉRIC GAILLARD/REUTERS) L’Agence européenne des produits chimiques a enquêté sur 14 substances problémati­ques.

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