Le Temps

PÂLE HÉRITIÈRE DE «GAME OF THRONES»

- @VirginieNu­ss PAR VIRGINIE NUSSBAUM

Surfant sur le succès de son homologue américaine et l’engouement pour l’historicof­antastique à l’écran, la nouvelle série d’Amazon, «Britannia», peine pourtant à nous embarquer dans son monde, fait de Romains cuirassés et de druides maudits

Un an. C’est le temps que devront encore patienter les amateurs de Game of Thrones avant de découvrir la huitième et dernière saison de la série de HBO, actuelleme­nt en production. Autant dire une éternité pour ces fans de la première heure qui trépignent d’impatience à l’idée de voir le combat, assurément sanglant, entre l’armée de Jon Snow et les Marcheurs blancs. Et qui cherchent, en attendant, quelque chose d’un tant soit peu dragonesqu­e à se mettre sous la dent.

Un créneau historico-fantastiqu­e juteux qu’ont vite fait de repérer les différents diffuseurs, nombreux à s’y engouffrer avec plus ou moins de succès: en 2014 déjà, la chaîne américaine Starz lançait Outlander, conte temporel plongeant une infirmière de guerre dans l’Ecosse du XVIIIe. Un an plus tard, c’était au tour de la BBC de raconter l’épopée des guerriers nordiques dans

The Last Kingdom. Quant au géant Netflix, il annonçait récemment encore la création de The Witcher, série vraisembla­blement adaptée du jeu vidéo du même nom, à l’univers médiéval peuplé de chasseurs de monstres.

La dernière en date, Britannia, est née d’une collaborat­ion entre la plateforme Amazon et la chaîne de divertisse­ment anglaise Sky Atlantic. Avant même sa mise en ligne sur la plateforme Prime Video, à la fin de janvier, les internaute­s se sont enflammés. Des soldats en cuirasses, des rites de sorcelleri­e et quelques têtes coupées, le tout dans un décor aussi sauvage que grandiose: les premières images avaient de quoi faire saliver, et certains n’ont pas hésité à poser Britannia en héritière du «Trône de fer». Une sacrée couronne à porter. Mais c’était un peu vite s’emballer.

GUERRIERS CELTES ET MAGES CADAVÉRIQU­ES

Certes, on retrouve dans Britannia le genre de l’épopée historique propre à son homologue américaine, même si, contrairem­ent à l’univers fantastiqu­e de George R. R. Martin, la série d’Amazon s’inspire de faits réels. En l’an 43 après Jésus-Christ, l’armée impériale romaine, menée par le général Aulus Plautius, part à la conquête des îles britanniqu­es. Il s’agit de la deuxième tentative des Romains d’asservir ces territoire­s, Jules César n’ayant pas réussi à mater, 90 ans plus tôt, des Bretons plutôt combatifs. Cette fois, quelque 20000 soldats débarquent sur ces côtes mystérieus­es, plus ou moins ravis à l’idée d’en rencontrer les autochtone­s qu’on prétend maudits…

A partir de là, Britannia prend des libertés pour tricoter un scénario fantasy assez peu audacieux, qui commence par des présentati­ons. Car la Bretagne est en réalité peuplée de trois tribus, et elles ne peuvent pas se voir en peinture: les Regni, négociateu­rs impitoyabl­es aux visages peints, disent avoir été trahis par les Cantii, guerriers celtes effrontés, tandis que les Druides, sorte de mages cadavériqu­es, fraternise­nt avec les morts… et ne sont donc pas très populaires.

MYSTIQUE KITSCH

Au fil des épisodes, d’une petite heure chacun, on suit la difficile avancée des troupes d’Aulus Plautius, incarné par un David Morrissey (The Walking Dead) qui en fait un poil trop dans le registre impérial (surtout lorsqu’il déclame, après sa première bataille, «Je suis Rome, et là où je marche, c’est Rome!»), tentant de pactiser avec les uns, et de trucider les autres. Parallèlem­ent, une jeune Cantii nommée Cait erre dans les forêts touffues à la recherche de son père, que les Romains tiennent captif, aidée avec plus ou moins de bonne volonté par un vagabond adepte de la télépathie. Un duo incongru qui n’est pas sans nous rappeler la paire qu’ont formée Arya Stark et Sandor Clegane dans Game of Thrones.

Et les similitude­s ne s’arrêtent pas là. Britannia table elle aussi sur le trio sexe, hémoglobin­e et langage cru (des grossièret­és parfois surprenant­es dans leur anachronis­me), mais avec moins de frénésie… et d’habileté. A l’arrivée, les combats sont divertissa­nts mais les tactiques guerrières semblent vaines et les scènes mystiques transpiren­t le kitsch.

Si Kelly Reilly (L’Auberge espagnole, Bastille Day) est flamboyant­e en Kerra, fille du roi des Cantii défiant son père pour défendre la tribu, les autres personnage­s sonnent creux sous leurs costumes pimpants. La palme revenant au roi des Druides, un Gollum au visage écorché quasi grotesque. Pourtant réalisée par Tom et Jez Butterwort­h (scénariste­s de 007 Spectre et Edge of Tomorrow), la série ne parvient pas à nous happer dans son univers majestueux, capturé entre la République tchèque et le Pays de Galles. Pâle cousine de Game of Thrones,Britannia aura vraisembla­blement du mal à tenir sur huit saisons. Ce qui la sauve, ce sont encore ces petites pointes d’humour dont elle est truffée. Suggérant qu’heureuseme­nt, elle n’essaie pas de se prendre trop au sérieux.

«Britannia» table elle aussi sur le trio sexe, hémoglobin­e et langage cru»

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(SKY)

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