ROUGEMONT VOIT LA VIE EN VALROSE
Florian Carrard est la découverte romande de l’année de l’édition GaultMillau 2018. Le jeune chef, disciple d’Edgard Bovier, élabore une cuisine de terroir dans le petit village feutré et discret du Pays-d’Enhaut
«Come up, Slow down»… Telle est la devise de Rougemont, la station très huppée voisine de Gstaad. Il est vrai que la région du Pays-d’Enhaut envoûte autant qu’elle attire. Réputé pour sa douceur de vivre alpine typiquement helvétique, le village abrite depuis peu une nouvelle pépite culinaire au sein d’un joyau hôtelier flambant neuf.
Ancienne petite pension luxueuse de 12 chambres, le Valrose est resté fermé pendant une décennie avant de rouvrir après deux ans de travaux. «Ils ont quand même surélevé l’hôtel», précise le jeune chef Florian Carrard avec enthousiasme au sujet de cette rénovation. Une réussite associant l’esprit contemporain et moderne à la rusticité et la chaleur d’un chalet. «C’est un endroit très simple et très sobre dans un petit village qui n’a pas besoin d’un mastodonte hôtelier de 500 chambres.» Mais qui se cache derrière cet homme au physique sec dont la barbe lui donne des airs de hipster des montagnes?
LA VOIX DU MENTOR
C’est en répondant à une annonce qu’il débarque dans la région. Le journal annonçait la réouverture imminente du Valrose. Après quatre ans de bons et loyaux services au sein du Lausanne Palace, le cuisinier saute sur l’occasion. Et décroche le poste. «C’était comme ouvrir mon propre restaurant; j’ai eu la chance d’avoir carte blanche. Ce changement est la suite logique de ma carrière. Une opportunité comme celle-là, on ne la laisse pas passer.»
Pourtant, le défi est de taille pour ce Fribourgeois d’origine, mais élevé à Yverdon, âgé d’à peine 28 ans. Avec intelligence, il collabore avec son ancien mentor, le chef lausannois étoilé Edgard Bovier. «Si j’ai un moment de doute ou un coup dur, je sais que je peux compter sur lui. Il est très rassurant de se sentir soutenu avant de s’investir dans un tel projet», révèle le chef. Bonne pioche. Le restaurant affiche complet dès le soir de l’inauguration et ne désemplit plus depuis. «Lors d’une ouverture, on ne sait jamais vraiment où l’on met les pieds… Mais c’est aussi ça le but du métier.» Son tempérament calme et posé l’aide à temporiser. Comment fait-il pour gérer la pression désormais quotidienne? «Avec beaucoup plus de sérénité la deuxième saison», avoue-t-il.
MALAKOFF AU KIRSCH
La recette de son succès? Avec humilité et simplicité, Florian Carrard sait mettre en avant les produits de la région autour d’une cuisine gourmande et accessible. La localité est son maître-mot, le terroir son terrain de jeu. «Nous sommes très gâtés par notre environnement. Les produits sont abondants. Je peux partir le matin à la découverte de champignons en compagnie des paysans, chercher la crème fleurette avant le service de midi et passer voir un apiculteur l’après-midi.»
Son restaurant de 60 couverts fait chavirer les touristes de passage et les villageois, tous friands de ses malakoffs au fromage d’alpage et kirsch, de son filet de truite en papillote au parfum de sapin et de son émincé de veau du pays tout en légèreté accompagné de ses roestis.
Récompensé par le GaultMillau en obtenant 14 points et le titre de révélation de l’année 2018, le jeune chef est lancé sur orbite mais garde les pieds sur terre. Les honneurs? Il ne s’y attendait pas. «C’est aussi une récompense pour les 17 employés de l’hôtel.» Il le sait, la route est longue. Pour qu’elle dure, elle doit être empruntée avec zénitude. «Je fais la cuisine qui me plaît. Et de toute façon, je ne pourrais pas faire autrement!»