Le Temps

QUATRE QUESTIONS AUX RÉALISATEU­RS D’«ONDES DE CHOC»

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1 Je ne l’ai pas vraiment choisi, il s’est imposé à moi. J’avais décidé de ne pas chercher parmi les faits divers répertorié­s en Suisse romande, mais de laisser ma mémoire faire le travail. C’est arrivé un matin très tôt, en regardant par la fenêtre – il avait neigé, c’était jour blanc – je me suis soudain souvenu de cette histoire de vol de voiture, commis par une bande de jeunes Lyonnais, avec une coursepour­suite, un barrage forcé, un policier qui tire, et l’un des voleurs tué sur le coup. Un fait divers que la presse avait baptisé «le drame de l’A1». A partir de là j’ai fait très peu de recherches sur les faits, juste découvert que l’un des gosses s’était perdu après avoir abandonné son véhicule. J’en ai parlé à Alice Winocour (la scénariste), qui trouvait la situation intéressan­te, et c’est à partir de cette tache aveugle, cette absence d’éléments, que nous avons construit l’histoire. 2

Ce qui lie ces films c’est effectivem­ent un rapport à la jeunesse, avec une idée de meurtrissu­re, de blessure, mais rien n’a été prémédité, si j’ose dire. C’est venu comme ça, sans qu’on se concerte, de manière inconscien­te. Ce qui m’intéressai­t c’était de trouver un acteur dont le regard soit marqué par l’enfance, une innocence, tout en pouvant porter sur ses épaules ce rôle très physique, où il fallait faire des cascades, supporter le froid, courir dans une rivière gelée, etc. Un miracle s’est produit, j’ai reçu un soir la photo d’un jeune homme habillé en soldat, une arme à la main, avec dans le regard une grande mélancolie, une grande profondeur. C’était un contraste saisissant – j’avais trouvé mon acteur. 3

Je crois surtout que les faits divers ont une force en soi, qui travaille des pulsions et des peurs universell­es. Pour ma part, j’avais en tête l’image de fin, avec ce corps mort dans la neige, un peu comme un Dormeur du val contempora­in, qui pourrait être un migrant. Un corps abandonné au milieu des pistes de ski et des skieurs. Comme deux mondes qui se côtoient, mais s’ignorent. 4

Vingt jours de tournage, 52 minutes, c’est des contrainte­s assez strictes, moi qui suis habitué au tournage documentai­re au long cours. Mais fondamenta­lement ça ne change pas, parce qu’on est toujours limité par une chose quand on fait un film, le budget, le temps, la météo… C’est ces limites qui nous aident à trouver des solutions. Mais cette expérience m’a surtout donné envie de refaire une fiction, peut-être un autre épisode d’une nouvelle collection, si par chance l’aventure se poursuit… ▅

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(Mais in Bundeshuus-Le Génie helvétique, Cleveland versus Wall Street, L’Expérience Blocher, L’Opéra de Paris) Jean-Stéphane Bron

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