PERLES DU QUOTIDIEN
Les Editions Héros-Limite publient 18 textes de Joseph Roth admirablement traduits et réunis dans un élégant petit livre
Avant la Seconde Guerre mondiale, les journaux avaient, plus qu’aujourd’hui, la fonction de distraire. Tout grand quotidien se devait d’avoir une partie séparée de la politique dans laquelle étaient publiés de petits textes sans lien direct avec l’actualité, des billets d’humeur, appelés en Allemagne «Feuilletons». Ils étaient lus sur le coin d’une table au café et jetés avec le journal à la fin de la journée, oubliés. Un feuilleton est donc un petit texte en prose, souvent poétique ou humoristique. De nombreux auteurs, comme Robert Walser (LT du 17.10.2015), en ont publiés. On a longtemps sous-estimé leur valeur littéraire.
Jean-Pierre Boyer et Silke Hass ont choisi 18 textes de Joseph Roth, qui est surtout connu pour
La Marche de Radetzky (1932), le grand roman sur la chute de l’Autriche-Hongrie. Auteur à succès d’origine juive, il s’exile à Paris dès 1933 et meurt en 1939 après avoir sombré dans l’alcool et la misère.
LE COUP DU PARAPLUIE
Parmi les 18 perles réunies par les traducteurs, «Histoires de guerre du vent d’automne» raconte des impressions liées à la Première Guerre mondiale avec le vent comme narrateur: «J’accompagnais un train. Tantôt vent debout, tantôt vent arrière. Et je jouais à la balle avec les étincelles de sa locomotive. Et je regardais de temps à autre par les fenêtres des voitures. A l’intérieur étaient couchés des soldats blessés.» En quelques paragraphes, Roth rend compte de l’amour pour un fils, de l’absurdité de la guerre.
Ou encore cette scène du quotidien urbain: une femme se fait renverser par une voiture un jour de pluie. Parmi les gens qui accoururent et l’imaginaient «couverte de sang, peut-être bien les membres sectionnés, un homme plein de présence d’esprit avait ramassé le parapluie de la dame tombée et s’en était allé avec». La femme s’en était sortie sans une égratignure, elle «pleurait la perte du parapluie et ne se réjouissait pas du bonheur d’avoir conservé ses membres».