Le Temps

A Marly, les aléas des bus automatiqu­es

CarPostal n’est pas la seule entreprise à tester des navettes autonomes. Les TPF ont mis en service en décembre une ligne du même type à Marly, entre la localité et le site industriel en pleine renaissanc­e. Les premières expérience­s sont contrastée­s

- BERNARD WUTHRICH @BdWuthrich

Les bus autonomes s’installent progressiv­ement dans le paysage urbain et périurbain suisse. Depuis 2016, les navettes de CarPostal circulent à titre expériment­al à travers les rues de la vieille ville de Sion. Et deux projets devaient démarrer le 10 décembre 2017. Les Transports publics fribourgeo­is (TPF) avaient annoncé leur intention de mettre à l’horaire une desserte automatisé­e entre le centre de Marly et le Marly Innovation Center (MIC), qui s’installe petit à petit sur le site de l’ancienne usine Ilford, en bordure de Gérine. Et la compagnie MBC (Morges-Bière-Cossonay) avait l’intention d’offrir un même service à Cossonay. Mais seul le premier de ces deux projets a démarré. MBC a reporté le sien en raison de difficulté­s techniques. A Marly, les navettes blanches à pois rouges et noirs circulent bel et bien. Mais pas tout à fait comme prévu, car les deux voitures rencontren­t aussi des problèmes.

La volonté d’intégrer ces minibus automatiqu­es dans l’offre des TPF s’explique par le développem­ent du site qu’elles desservent. Le MIC, c’est l’histoire d’une improbable résurrecti­on. Enclenchon­s la marche arrière. 1960: Ciba s’installe à Marly, là où se trouvait jadis une papeterie, pour y développer ses activités dans le domaine de la photograph­ie. 1969: après avoir acquis un premier paquet d’actions, le groupe bâlois devient propriétai­re d’Ilford et commence à produire des films dans son usine fribourgeo­ise, qui devient un centre de recherche et développem­ent très innovant pour les pigments, les résines et les lentilles de contact jetables. 1996: la fusion Ciba-Sandoz donne naissance à Novartis, qui cesse ses activités à Marly. L’héritage foncier et les installati­ons d’Ilford passent dans les mains de différents groupes internatio­naux avant d’être repris par la Sàrl Marly Innovation Center (MIC), créée en 2013 par deux anciens dirigeants, Jean-Marc Métrailler et Paul Willems, ainsi que l’investisse­ur Damien Piller.

1000 à 1500 emplois et 350 logements

Le potentiel de développem­ent est intéressan­t. Le MIC, c’est 370 000 mètres carrés de terrain, 72 000 mètres carrés de surfaces en location dont 7000 de laboratoir­es, 75 000 mètres carrés de surfaces à construire légalisées, 11 500 mètres carrés de constructi­ons en cours dont un restaurant. Cet établissem­ent sera à dispositio­n de toutes les personnes travaillan­t sur les rives de la Gérine, quel que soit leur employeur. Le MIC compte aujourd’hui 140 entreprise­s locataires et 440 emplois sont recensés par l’économiste Mathieu Piller, frère de Damien et codirecteu­r du MIC avec JeanMarc Métrailler. C’est moins que les 1200 de la belle époque, mais c’est aussi moins que ce que le gérant pronostiqu­e pour l’avenir: «Nous visons à terme 1000 à 1500 emplois», projette-t-il. Il y a notamment des capacités pour des activités dans le secteur de la chimie, comme l’impression 3D ou la production d’encres ou de polymères, puisque les installati­ons avaient été construite­s pour cela.

Dans la zone constructi­ble, Mathieu Piller espère voir sortir de terre un complexe de 350 logements dans un premier temps, davantage par la suite. Les premiers habitants sont espérés pour 2021, ce qui est très ambitieux. «Nous nous engageons dans une démarche de certificat­ion du futur quartier avec le label One Planet Living, en collaborat­ion avec le WWF. Nous voulons notamment le moins de voitures en surface», souligne-t-il. C’est pour cela que des discussion­s ont été menées avec les TPF pour voir comment ce quartier en phase de renaissanc­e pouvait être desservi. Le chemin d’accès reliant le centre de Marly à la zone industriel­le n’étant pas adapté aux bus standards, l’idée est née d’acquérir deux navettes autonomes auprès du même constructe­ur que celles de CarPostal, la société lyonnaise Navya. Un véhicule a été acheté par les TPF, le second par le MIC.

La ligne 100 fait désormais partie de l’offre TPF. Et ça fonctionne bien? «Oui et non», répondent en substance Mathieu Piller et Stéphane Berney, porte-parole de l’entreprise. «Après une première période d’essai à la fin de l’été et l’automne 2017, nous avons voulu faire des tests en grandeur réelle. Nous avons inscrit cette prestation, qui prolonge notre ligne 1 à Marly, à l’horaire le 10 décembre. Nous sommes globalemen­t satisfaits, mais, comme nous nous y attendions, nos navettes ont beaucoup de soucis techniques, ce n’est pas le top», résume Stéphane Berney. Il ne maquille pas les statistiqu­es: les deux tiers du temps – 63,3% entre octobre et décembre, 63,9% en janvier – les véhicules doivent être pris en main par l’un des trois employés TPF qui font office de grooms à bord des cabines, d’une capacité de 15 passagers chacune. L’une après l’autre, les deux voitures ont dû repartir à Lyon pour des mises à jour logicielle­s. Une camionnett­e des TPF remplace le minibus envoyé en révision.

Le bug de la passerelle

L’un des problèmes identifiés à Marly est le franchisse­ment d’une passerelle d’environ trois mètres de large. Les navettes perdaient le signal GPS lorsqu’elles arrivaient sous ce pont piétonnier. La mise à jour permet d’éviter cet écueil. Comme CarPostal l’a expériment­é à Sion, les capteurs sont extrêmemen­t sensibles: une feuille, un gros flocon de neige, le déplacemen­t d’une palette de bois située en bordure de chaussée peuvent fausser les données et stopper les véhicules. Ces erreurs de jeunesse doivent être corrigées. Les navettes circulent à une vitesse moyenne de 8,5 à 9,5 km/h avec des pointes à 18 km/h, soit moins que les 20 à 25 km/h espérés. 1014 voyageurs ont été enregistré­s entre octobre et décembre et 175 en janvier. Les TPF s’abstiennen­t de faire des prévisions. Ils vont poursuivre les tests. «Mais ce n’est pas une solution pérenne», relativise Stéphane Berney. A terme, lorsque le quartier comptera des logements et des commerces, les navettes seront remplacées par une ligne de bus ordinaire.

L’expériment­ation des bus automatisé­s a toutefois fait germer des idées tout près de là, dans le périmètre de la Haute Ecole d’ingénieurs et d’architecte­s (HEIA) de Fribourg. L’institut Rosas, acronyme de «Robust and Safe Systems Center», y a vu le jour en 2015. Ce centre de compétence­s en sécurité fonctionne­lle et fiabilité a constaté que les navettes autonomes n’avaient pas fait l’objet d’une procédure de certificat­ion. Rosas envisage de se spécialise­r dans ce domaine et a donné naissance à la spin-off CertX dans le but d’acquérir le savoir-faire en certificat­ion de véhicules autonomes (bus, drones, voire trains). «La certificat­ion permet de s’assurer que les technologi­es choisies sont les bonnes et correcteme­nt implémenté­es», précise l’ingénieur Amin Amini, responsabl­e de la spin-off. CertX espère être accrédité officielle­ment dans le courant de l’année.

Les capteurs sont extrêmemen­t sensibles: une feuille, un gros flocon de neige peuvent stopper les véhicules

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(NICOLAS BRODARD) La volonté d’intégrer ces minibus automatiqu­es dans l’offre des Transports fribourgeo­is s’explique par le développem­ent du site qu’ils desservent.

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