Désintermédiation bancaire, une réponse aux besoins des PME
Dans le monde d’avant 2008, si une PME avait besoin de capital pour développer ses activités, par exemple pour acheter une machine ou construire une nouvelle usine, son directeur financier se rendait tout naturellement chez son banquier pour négocier un nouveau crédit. Il s’agissait d’un moyen relativement facile, rapide et abordable de financer un projet, d’autant qu’il n’y avait guère d’alternative valable pour un entrepreneur. En effet, le private equity impliquait le plus souvent de céder une partie de la propriété et du contrôle sur la société, tandis que les solutions de l’entrée en bourse ou de l’émission d’un emprunt obligataire n’étaient généralement pas accessibles pour des montants inférieurs à 200 millions de francs.
Tout cela a changé avec la crise financière de 2008 et le sévère assèchement du crédit qui en a résulté. En effet, échaudées par leurs pertes abyssales sur les marchés financiers et rendues craintives par la perspective d’une récession généralisée, les banques se sont totalement retirées du marché du crédit aux PME, les laissant ainsi totalement exsangues au pire moment.
Par la suite, le resserrement des réglementations bancaires a forcé les banques à se montrer bien plus sévères dans l’octroi de crédit. Par conséquent, malgré l’énorme création de monnaie générée par les politiques monétaires très accommodantes des banques centrales, avec la baisse très forte et durable des taux d’intérêt et des programmes massifs d’assouplissement quantitatif, les liquidités sont restées bloquées au niveau des banques sans descendre jusqu’aux PME.
Des conditions usuraires qui ne sont pas près de s’améliorer
Et lorsqu’elles obtenaient un crédit, les PME étaient soumises à des taux quasi usuraires. Ainsi, selon une étude de l’OCDE, alors que la prime payée en 2008 par les petites et moyennes entreprises était en moyenne de 15% par rapport aux plus grandes sociétés, ce supplément a atteint 56% en 2015, un niveau naturellement insupportable. Compte tenu des nouvelles réglementations de Bâle III, cette situation a malheureusement peu de chances de s’améliorer dans un proche avenir.
En effet, les exigences de liquidité vont devenir encore plus sévères, ce qui va rendre l’octroi de crédit aux PME d’autant plus difficile. C’est ainsi que, selon les nouvelles règles, les prêts accordés à des petites entreprises se verront attribuer un rating de risque de 100%, comparé avec 0% pour la dette souveraine et 20% pour les grandes entreprises, ce qui augmentera significativement la couverture de liquidité nécessaire et rendra ainsi encore plus difficile de prêter à des PME.
Ces barrières importantes ont entraîné une importante demande de crédit insatisfaite en provenance des petites entreprises. La nature ayant horreur du vide, cette situation a créé une fenêtre d’opportunité majeure pour l’industrie du crédit direct non bancaire.
De fait, selon la base de données Preqin, le marché de la dette privé a plus que triplé en l’espace de dix ans et les actifs investis dans des fonds européens dédiés sont passés de 330 millions de dollars en 2006 à la somme vertigineuse de 27,9 milliards de dollars à mi-2017.
Une alternative d’investissement attrayante
Cette désintermédiation du secteur bancaire européen n’aide pas seulement à résoudre les problèmes de financement des petites entreprises. De fait, elle offre également de nouvelles opportunités d’investissement attrayantes dans l’environnement actuel, marqué par des taux qui restent très faibles et des évaluations sur les actions qui atteignent des niveaux préoccupants.
Emis par des compagnies d’assurances ou structurés sous forme de fonds de placement, les instruments de dette privée sont certes peu liquides, mais constituent une classe d’actifs désormais bien établie, qui combine des rendements potentiels élevés (jusqu’à 15% par an, contre 2,5% environ pour le High Yield) avec une meilleure stabilité que la dette à haut rendement, les obligations d’entreprises ou les actions.
De plus, la dette privée apporte un bénéfice de diversification non négligeable, grâce à une faible corrélation avec les actions. Enfin, cerise sur le gâteau, ce type de placement prévoit souvent une exposition partielle en actions de l’entreprise, ce qui permet d’améliorer encore le rendement potentiel. Ce kicker est d’autant plus intéressant qu’il s’agit souvent d’entreprises à forte croissance, ce qui explique d’ailleurs pourquoi leurs fondateurs rechignent à en céder prématurément le contrôle à des sociétés de private equity.
Face à ce développement du marché, des boutiques spécialisées offrent aujourd’hui un large éventail de stratégies de dette privée, permettant aux investisseurs de choisir des niches spécifiques, comme le crédit direct, les prêts immobiliers, le financement d’actions en justice en cas de litige ou encore le crédit à des secteurs très spécifiques comme celui des loisirs. Si ces placements sont avant tout destinés à des investisseurs institutionnels comme les fonds de pension, qui ont un besoin vital de revenus pour faire face à leurs engagements et qui n’ont pas de problème de liquidité, les fonds de dette privée intéressent également les investisseurs privés sophistiqués, tels que les family offices et les grands patrimoines.
Un élargissement des horizons de la gestion privée
De même qu’ils vont désormais bien plus loin que la simple gestion de portefeuilles financiers pour offrir aujourd’hui une gestion patrimoniale au sens large, qui comprend la planification successorale, la prise en compte des aspects fiscaux, la gouvernance familiale ou la stratégie philanthropique, les gérants de patrimoine ont considérablement élargi leur univers d’investissement.
Limités pendant des années aux obligations, aux actions et aux métaux précieux, les portefeuilles accueillent désormais les investissements les plus divers, parmi lesquels les solutions de placement alternatives se taillent une place de choix. De nos jours, un gérant qui ne maîtrise pas l‘investissement en private equity, en produits de dette privée ou de crédit immobilier s’expose à perdre rapidement une clientèle de plus en plus exigeante, un peu comme un hôtelier qui s’obstinerait à ne pas proposer le wi-fi à ses clients!
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Les instruments de dette privée sont certes peu liquides, mais constituent une classe d’actifs désormais bien établie