Les dividendes ringardisés
La Finma a publié vendredi un guide pratique des ICO. Les observateurs allergiques à la blockchain et aux cryptomonnaies se demanderont pourquoi l’autorité de surveillance gaspille son temps à s’intéresser à ces levées de fonds d’un nouveau type. Peut-être parce que ces initial coin offerings permettent d’acquérir des jetons numériques – tokens en V.O. – qui pourraient remplacer les actions comme véhicule d’investissement de choix pour l’investisseur new-tech. Celui-ci a une approche radicalement différente – voire radicale tout court.
En acquérant des tokens, un investisseur 2.0 ne mise pas sur une progression de quelques pour cent de leur cours, comme il le ferait pour une action. Un dividende, qui récompense sa patience? Il ignore même ce concept. Les obligations et leurs coupons? Inutile de lui en parler.
L’acheteur de token veut revendre à cinq, dix ou cent fois sa mise, et vite. L’idée étant que grâce aux nouvelles technologies – en particulier la blockchain – le développement des entreprises serait beaucoup plus rapide. Un jeton – un certain type de jeton, pour être précis – s’apparente alors à une «action numérique», un actif représentant les fondamentaux futurs d’une entreprise. Dans cette logique, que nous explique l’avocat genevois Olivier Depierre, l’investisseur new-tech cherche à gagner beaucoup en misant par exemple sur une dizaine de jetons dès leur émission, lorsque leurs cours est bas.C’est là que les choses se corsent.
A l’inverse des cryptomonnaies qui fluctuent selon l’offre et la demande (pour effectuer des transactions ou pour spéculer), la valeur d’une action numérique serait adossée, comme pour une action traditionnelle, aux fondamentaux de l’entreprise qui effectue une ICO. Bien. Rassurant. Sauf que dans l’immense majorité des cas, l’activité de cette entreprise n’existe pas encore. Son business model, sa technologie, ses dirigeants constituent les seuls éléments plus ou moins tangibles pour décider ou non d’investir.
Or les deux dernières années ont montré que beaucoup d’ICO ont reposé sur des idées absurdes ou frauduleuses. L’investisseur dispose de peu de sources d’information fiables ou indépendantes. La sélection est donc très délicate. Mais en même temps, une ICO permet d’appliquer la principale recette de Warren Buffett: «buy cheap» – acheter des actifs sous-évalués. Tentant.
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