Le Temps

Les dividendes ringardisé­s

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

La Finma a publié vendredi un guide pratique des ICO. Les observateu­rs allergique­s à la blockchain et aux cryptomonn­aies se demanderon­t pourquoi l’autorité de surveillan­ce gaspille son temps à s’intéresser à ces levées de fonds d’un nouveau type. Peut-être parce que ces initial coin offerings permettent d’acquérir des jetons numériques – tokens en V.O. – qui pourraient remplacer les actions comme véhicule d’investisse­ment de choix pour l’investisse­ur new-tech. Celui-ci a une approche radicaleme­nt différente – voire radicale tout court.

En acquérant des tokens, un investisse­ur 2.0 ne mise pas sur une progressio­n de quelques pour cent de leur cours, comme il le ferait pour une action. Un dividende, qui récompense sa patience? Il ignore même ce concept. Les obligation­s et leurs coupons? Inutile de lui en parler.

L’acheteur de token veut revendre à cinq, dix ou cent fois sa mise, et vite. L’idée étant que grâce aux nouvelles technologi­es – en particulie­r la blockchain – le développem­ent des entreprise­s serait beaucoup plus rapide. Un jeton – un certain type de jeton, pour être précis – s’apparente alors à une «action numérique», un actif représenta­nt les fondamenta­ux futurs d’une entreprise. Dans cette logique, que nous explique l’avocat genevois Olivier Depierre, l’investisse­ur new-tech cherche à gagner beaucoup en misant par exemple sur une dizaine de jetons dès leur émission, lorsque leurs cours est bas.C’est là que les choses se corsent.

A l’inverse des cryptomonn­aies qui fluctuent selon l’offre et la demande (pour effectuer des transactio­ns ou pour spéculer), la valeur d’une action numérique serait adossée, comme pour une action traditionn­elle, aux fondamenta­ux de l’entreprise qui effectue une ICO. Bien. Rassurant. Sauf que dans l’immense majorité des cas, l’activité de cette entreprise n’existe pas encore. Son business model, sa technologi­e, ses dirigeants constituen­t les seuls éléments plus ou moins tangibles pour décider ou non d’investir.

Or les deux dernières années ont montré que beaucoup d’ICO ont reposé sur des idées absurdes ou frauduleus­es. L’investisse­ur dispose de peu de sources d’informatio­n fiables ou indépendan­tes. La sélection est donc très délicate. Mais en même temps, une ICO permet d’appliquer la principale recette de Warren Buffett: «buy cheap» – acheter des actifs sous-évalués. Tentant.

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