Le Temps

Camille Destraz, la fille d’Henri Dès, est heureuse en coulisses

Elle fut rockeuse, programmat­rice musicale, journalist­e. Elle vient de prendre la direction du théâtre de Cossonay. Heureuse en coulisses «Les artistes sont étranges, ils sont parfois déçus d’eux-mêmes alors que la salle a multiplié les rappels ou très sa

- CHRISTIAN LECOMTE

Des photos d’artistes à l’entrée de ce théâtre. Dont celle, évidemment, de son père. Il a chanté là à plusieurs reprises. «Impression qu’il me suit partout, qu’il m’observe du coin de l’oeil», dit-elle, tout sourire. Camille Destraz, fille d’Henri Dès, est d’humeur joyeuse, ce qui ne surprend personne. Il se raconte qu’elle est née en un éclat de rire. Depuis, l’oeil semble comme rivé sur la beauté des choses.

Elle nous attend au Pré-auxMoines, le théâtre de Cossonay, appelé ici le PAM. Depuis le 1er janvier, Camille en est la directrice. Rien que ça. Tout étonnée d’arpenter les travées en se disant: «Maintenant tout cela dépend un peu de moi.» Gérer la programmat­ion, l’animation, la communicat­ion – qui a été sa première formation –, ça lui plaît. S’occuper aussi d’intendance et d’administra­tion, voilà qui est sans doute un peu moins plaisant pour une enfant de la balle. Mais elle fait avec, et plutôt bien. La jeune dame a beaucoup d’atouts en main et dans le coeur. Dont Philippe Laedermann, son prédécesse­ur, douze années à la tête du PAM. Ils vont travailler en tandem le temps d’une saison, pour une passation en douceur puis il lui tendra les clés et s’en ira sur la pointe des pieds.

Au clavier de Diancandor

On imagine Camille seule tout à coup sur scène, face à 350 sièges vides, qu’il faudra bien remplir. On l’imagine aussi traîner quelques pas en arrière, glisser derrière le grand rideau, disparaîtr­e en coulisse. Elle connaît. S’y sent bien. Enfant, il y avait ces vacances de Noël à l’Olympia. Son père occupait le haut de l’affiche pendant deux semaines. Elle se souvient d’une petite porte, du concierge, du décor un peu délabré de la mythique salle. «Ça m’a marqué, tant de stars ont fait l’Olympia.»

Elle-même est montée sur scène avec le groupe de rock Diancandor (trois filles et deux gars chevelus). Camille était au clavier et le son nettement plus trash que la musique à papa. «On a fait Paléo en 1995 et en 1997, le CBGB à New York devant 25 personnes dont mes parents. C’était un club undergroun­d de Manhattan où Hendrix s’est produit, j’étais plutôt fière.» Les tournées lui apprennent quels sont les besoins des artistes. Une bonne école. L’autre, ce fut dès l’adolescenc­e Paléo: «A 15 ans, je rêvais d’y travailler alors j’ai été bénévole dans l’équipe technique pendant huit ans.»

Elle apprend l’anglais, la dactylo, décroche un stage à la radio aux côtés de Patrick Lapp et JeanCharle­s Simon (émission Cinq sur cinq) et au Théâtre de Beausobre à Morges. «J’aimais bien être à côté de la scène, et non sur.» Un peu comme Mary-Josée, sa chère maman qui s’en est allée cet automne. «Elle n’était jamais en salle, toujours derrière. La coulisse est un lieu privilégié», rapporte Camille. Elle aime l’avant-spectacle, la frénésie, le doute, l’exaltation, l’attente fébrile en coulisse. Et la magie du tomber de rideau. «Les artistes sont étranges, ils sont parfois déçus d’eux-mêmes alors que la salle a multiplié les rappels ou très satisfaits quand les applaudiss­ements ont été tout juste polis.»

Camille a été aussi journalist­e (L’Hebdo, Bilan, Le Temps) et chroniqueu­se BD au Matin Dimanche. «J’aime les gens, leur poser des questions, les mettre en avant, créer du lien, ça me va bien ce métier-là», résume-t-elle. Sur un vélo, elle a sillonné la Suisse romande pour écrire un guide touristiqu­e. En Afrique où elle s’est souvent rendue, elle a soutenu un programme d’alphabétis­ation, a été volontaire dans une réserve naturelle au Botswana et s’est investie dans le Festival de théâtre pour le développem­ent de Ouagadougo­u.

Renaud, son chouchou

Au Pré-des-Moines, elle ne va rien bouleverse­r. Musique, humour et théâtre sont au programme. «Le but n’est pas de tout révolution­ner mais de proposer ce que j’aime. Je ne peux pas défendre une pièce ou un artiste que je n’apprécie pas. Ce sera plutôt du local avec des artistes d’ici, on possède un vivier incroyable, surtout chez les humoristes.» Elle piaffe déjà: «Il y a des instants magnifique­s quand le public s’attarde après le spectacle, on papote au bar et les artistes se mêlent aux gens, comme Michel Galabru ici même en 2014.»

Fille de qui on sait et longtemps responsabl­e de la programmat­ion musicale à Beausobre, elle est proche de noms bien connus dans le showbiz. Mais son chouchou est Renaud. Elle l’a vu 35 fois en concert, en France, à Paléo, à Montreux, à Beausobre. «Lolita, sa fille, était très fan de mon papa, moi du sien, ça rapproche.» Ils entretienn­ent, depuis, une belle amitié. «J’avais 11 ans quand je l’ai rencontré pour la première fois. En mars 2016, il m’a téléphoné, il chantait avec I Muvrini à Montreux et voulait me revoir après neuf ans de silence. Il avait arrêté de boire. L’été suivant je suis allée chez lui à L’Isle-surla-Sorgue. Je l’ai revu à Paléo cet été et au Chant du Gros.» Renaud au Pré-aux-Moines? Ne surtout pas lui poser la question. Se dire juste qu’elle doit en rêver et qu’un jour peut-être, ou peut-être pas… Après tout, le groupe Genesis est venu répéter à Cossonay, c’était en 2005, croit se souvenir Camille.

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