Le Temps

Diagnostic critique pour l’Hôpital fribourgeo­is

Un audit mené sur la gouvernanc­e de l’HFR débouche sur le départ de sa directrice, Claudia Käch. Mais la mesure ne résoudra de loin pas à elle seule tous les problèmes de l’institutio­n

- MICHEL GUILLAUME @mfguillaum­e

L'Hôpital fribourgeo­is (HFR) traverse une vraie tempête, à la fois financière et structurel­le. A la suite d'un audit ordonné par son conseil d'administra­tion, celui-ci a décidé de se séparer de sa directrice, Claudia Käch, qui était en poste depuis 2014. Même si aucune grosse faute ne peut lui être reprochée, celle-ci quitte l'établissem­ent au 24 février, soit avec effet immédiat. C'est dire l'ampleur de la crise.

Le départ – ou plutôt le licencieme­nt – de Claudia Käch n'est pas une grande surprise. Non seulement celle-ci n'est pas parvenue à sortir l'hôpital des chiffres rouges, mais elle a perdu la confiance aussi bien de son conseil d'administra­tion que de ses employés.

Un conseil lourd et politisé

Premier à réagir mercredi matin à 7h40 déjà, le Syndicat des services publics (SSP) n'a pas caché sa satisfacti­on. «Mme Käch s'est isolée dans sa tour d'ivoire», a déploré Gaétan Zurkinden, le responsabl­e fribourgeo­is du SSP, qui récemment s'est opposé à la volonté de la direction de privatiser la buanderie de l'hôpital.

L'audit a été réalisé par la société Triaspect de Bienne, qui a mené près de 45 entretiens avec l'ensemble des instances décisionne­lles: le conseil d'administra­tion, la direction, mais aussi avec la Direction de la santé et des affaires sociales de la conseillèr­e d'Etat Anne-Claude Demierre. Conclusion: les structures de l'HFR souffrent de graves lacunes de gouvernanc­e. Le conseil d'administra­tion, composé de 17 membres, est lourd et trop politisé. Les auteurs de l'audit proposent de le réduire à 9 personnes et d'en exclure à terme le ou la conseillèr­e d'Etat, dont la double casquette pose problème.

Structure multisite

Si Claudia Käch est le premier fusible à sauter à la suite de cet audit, son départ ne résout pas les gros problèmes auxquels est confronté l'hôpital. «Bien que vieille de plus de dix ans, la nouvelle structure multisite de l'HFR n'est toujours pas arrivée à

maturité», a regretté le vice-président du conseil d'administra­tion, Pierre Aeby.

L'Hôpital fribourgeo­is a mis beaucoup de temps à digérer le traumatism­e de la disparitio­n des hôpitaux de district, une entité à laquelle les Fribourgeo­is restent très attachés. Ces régionalis­mes avaient déjà usé la précédente directrice, Pauline de Vos. L'hôpital a perdu de nombreuses années à surmonter ce traumatism­e alors qu'il aurait dû se préparer à la libéralisa­tion du marché hospitalie­r, intervenue en 2012.

L'Hôpital fribourgeo­is est désormais à la croisée des chemins. Il sera assurément déchiré entre d'une part, les tenants d'un hôpital public dont le personnel conserve le même statut que celui de l'Etat et, d'autre part, les partisans d'une autonomisa­tion de ses instances dirigeante­s, qui veulent le libérer des contrainte­s du politique.

Mission impossible

«Le vrai problème de l'HFR n'est pas sa directrice, mais sa très faible marge de manoeuvre», déclare le député PDC Markus Bapst, qui a déposé une motion pour lui conférer davantage d'indépendan­ce.

Président du conseil d'administra­tion, Philippe Menoud s'est déclaré «raisonnabl­ement optimiste» pour l'avenir de l'hôpital. Il doit être bien seul à penser cela. Cette année, l'HFR prévoit un déficit de 21 millions au budget, qui en est à sa énième version.

Le conseil d'administra­tion doit non seulement réaliser 20 millions d'économies, mais aussi convaincre le Conseil d'Etat – avec lequel il se chamaille depuis des mois – de lui accorder 25 millions au titre des prestation­s d'intérêt général (PIG). Une mission quasiment impossible dans les conditions actuelles.

Le conseil d'administra­tion porte lui aussi une responsabi­lité dans cette situation inquiétant­e, au point que certains ont aussi demandé la tête de Philippe Menoud. «C'est l'institutio­n qui compte, pas moi», a assuré ce dernier, qui s'est déclaré prêt à «partir demain s'il le faut». Quoi qu'il en soit, les futurs dirigeants de l'HFR devront avoir le courage de prendre des décisions impopulair­es.

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(PIERRE-YVES MASSOT/REALEYES.CH) L’Hôpital fribourgeo­is (HFR) de nuit. Selon un audit, l’institutio­n souffre de graves lacunes de gouvernanc­e.

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