A la Ghouta, les mots de trop
Les mots sont de trop. L’Unicef, qui s’occupe des enfants défavorisés un peu partout sur la planète, a publié mardi un communiqué entièrement blanc. «Aucun mot ne rendra justice aux enfants tués» en Syrie, ni à leurs proches, se contentait de dire l’organisation.
L’horreur qui s’abat en ce moment même sur les habitants de la Ghouta orientale, à la lisière de Damas, est devenue proprement innommable. Et ce, non seulement parce que les enfants et leurs proches y perdent la vie, mais surtout à cause du cynisme et de l’incroyable mépris qui entoure cette mise à mort programmée.
Oui, les mots sont de trop. Et du reste, personne ne les entend vraiment, tant ils participent de cette insulte générale. La Russie qui, jusqu’à hier, était censée se porter «garante» d’une sorte de cessez-le-feu dans cette région proclamée «zone de désescalade»? Aujourd’hui, ses forces collaborent activement au massacre, sous prétexte, une fois de plus, qu’il s’agit de «traquer les terroristes» tapis parmi les quelque 400000 habitants qui peuplent la Ghouta. La France d’Emmanuel Macron, pour ne prendre qu’elle? Elle se perd encore en conjectures sur la réalité d’une série d’attaques chimiques commises récemment par le régime syrien, en attendant, avant de «frapper», que «la preuve soit clairement établie».
La preuve que cherchaient le gouvernement syrien et la Russie a, de fait, bel et bien été établie. Mais elle est autre: le carnage peut se poursuivre et, quelles que soient les «lignes rouges» franchies, personne ne bougera pour venir en aide aux habitants de la Ghouta orientale. Il y a un peu plus d’un an, on pensait que le bombardement d’Alep-Est allait peut-être devenir celui de trop. Ce n’était en réalité qu’un prélude. Dans les différentes guerres, locales, régionales, internationales, qui se déroulent ou se préparent aujourd’hui sur le territoire syrien, le martyre de la Ghouta est une sorte de retour à un scénario déjà largement éprouvé.
Les hôpitaux et les centres de soins bombardés de manière systématique; la population civile prise directement pour cible au terme d’un siège de quatre ans qui l’a déjà affamée; le désespoir absolu et la mort présentés comme seule issue… C’est exactement le même enchaînement qui avait conduit à la chute d’Alep-Est.
A l’exception près que, ici, il n’est même plus question de précautions oratoires ou de dénégations, même vagues, sur l’usage de barils de poudre ou d’autres armements prohibés, ni de prétextes à l’évacuation des blessés. Comme si tout cela allait désormais de soi. «Nous allons recommencer l’expérience qui a permis de libérer Alep», a clairement prévenu le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov. Les mots de trop.
Il y a un peu plus d’un an, on pensait que le bombardement d’Alep-Est allait peut-être devenir celui de trop. Ce n’était qu’un prélude