La montagne est-elle belle?
Le Musée alpin de Berne propose «La Beauté des montagnes: une question de point de vue». Au menu: une grande série d’oeuvres inspirées par les cimes – comme l’«Ascension et chute» (1894) de Hodler –, mais surtout un questionnement sur l’ambivalence de ce paradigme helvétique.
EXPOSITION La nouvelle exposition du Musée alpin à Berne interroge le visiteur sur sa façon d’appréhender les sommets qui l’entourent. Un parcours interactif qui invite à l’introspection
Dire que les montagnes sont belles est un peu court. On pourrait dire bien des choses en somme. Et c’est justement à cette tâche que s’attelle l’exposition La Beauté des montagnes.
Une question de point de vue, du Musée alpin à Berne, qui débute le 23 février.
L’exposition veut aller au-delà d’un constat naïf, commun à tous, vantant les beautés alpines. Car les montagnes impressionnent autant qu’elles dégoûtent, effraient autant qu’elles attirent. Inhérentes à la Suisse, elles contribuent à son imaginaire collectif et structurent son identité. Et chacun entretient un rapport particulier avec elles.
Pas une exposition d’art
Bien que 120 oeuvres appartenant à la collection du musée soient présentées, il ne s’agit pas là d’une exposition d’art. Non, c’est plutôt un parcours qui invite à la réflexion. La montagne est partout. Ses arêtes, ses glaciers, ses cimes enneigées sont reproduites dans le salon d’un aïeul, sur le mur d’un hôtel ou dans un hall de gare. Son omniprésence est ambivalente. Pour certains, elle mène presque à l’overdose.
C’est ce trop-plein qu’ont d’abord voulu présenter les curateurs de l’exposition. A peine entré dans la salle principale, le visiteur est pris d’un sentiment paradoxal. Aux murs, 90 tableaux l’observent. En fond sonore, le ruissellement de l’eau sur la roche. Toutes les oeuvres sont alignées à proximité les unes des autres.
De la toile bouleversante à la peinture kitsch, création romantique ou naïve, les tableaux sont, par leur quantité, comme une avalanche qui se déverse sur l’observateur. «Elles sont toutes là», dit le texte, «Regarde», du scénariste et écrivain lausannois Antoine Jaccoud. «Le Cervin, le Niesen, la Dent-Blanche, le Rothorn… Mais qu’est-ce qu’elle a au juste cette montagne qui mérite qu’on la regarde?»
L’ascension et la chute
Elle en a fasciné plus d’un. Tous ces peintres exposés portent depuis près de 250 ans un regard amoureux sur les pentes escarpées. Edmund Wunderlich, artiste et alpiniste suisse, partait ainsi conquérir les monts armé d’un piolet et d’un pinceau. Alexandre Calame a tout plaqué pour peindre la montagne. Et Giovanni Segantini n’a, jusqu’à son dernier souffle, toujours voulu qu’une seule chose: voir ces montagnes.
Puis il y a Ferdinand Hodler, qui détonne. Ascension et chute, ses deux toiles magistrales créées pour l’Exposition nationale d’Anvers en 1894, sont exposées dans la seconde salle.
Découpées en sept pièces depuis 1909, elles servent de décor à l’acteur Michael Neuenschwander, qui incarne l’artiste helvétique sur un autre texte d’Antoine Jaccoud. «Tous nous montons, tous nous descendons». L’auteur évoque un destin commun à tous: se battre pour atteindre le point culminant et, soudain, pour une broutille, chuter.
La montagne est une allégorie de l’existence. Fascinante et effrayante, massive et fragile, peut-être est-ce dans son ambivalence que règne sa beauté. En regardant ces paysages, en écoutant les témoignages, on en vient à se dévisager soi-même.
Inhérentes à la Suisse, les montagnes contribuent à son imaginaire collectif et structurent son identité. Et chacun entretient un rapport particulier avec elles