Appels à libérer Tariq Ramadan
Signée par une trentaine de personnalités, une tribune publiée par Mediapart s’inquiète du traitement judiciaire réservé à l’islamologue suisse. En parallèle, plusieurs mobilisations demandent son élargissement pour raisons de santé. Tour d’horizon.
L’islamologue suisse incarcéré a de nouveau demandé sa remise en liberté. La justice française doit lui répondre ce jeudi, alors que ses soutiens dénoncent la dureté des magistrats à son égard
Ils ont signé. Mais tous ne sont pas prêts à expliquer pourquoi, et à témoigner plus avant de leur soutien. Publiée mercredi par Mediapart, la lettre d’une trentaine de personnalités réclamant «une justice impartiale et égalitaire pour Tariq Ramadan» traduit les questionnements suscités par le maintien de l’islamologue suisse en détention depuis son incarcération préventive le 2 février, à la suite d’une garde à vue de près de 48 heures.
L’éditeur Jean-Daniel Belfond, qui a publié plusieurs livres de Tariq Ramadan, fait partie des signataires peu loquaces: «J’ai été beaucoup sollicité et je ne souhaite pas en dire plus. Notre texte fait foi. La clé, c’est la présomption d’innocence», a répondu au Temps le patron des Presses du Châtelet. Figurent à ses côtés, cosignataires de l’appel, le metteur en scène suisse Dominique Ziegler, le journaliste Alain Gresh, l’éditeur François Gèze (La Découverte) et l’ancienne ministre malienne de la Culture Aminata Traoré.
Une vraie question
Ce jeudi, les avocats de Tariq Ramadan se rendront au Palais de justice de Paris pour une nouvelle demande de remise en liberté. Cette mobilisation en sa faveur sur le site de Mediapart tombe donc à pic pour sensibiliser les magistrats qui devront décider, ou non, sa sortie du quartier de haute sécurité de la prison de Fleury-Mérogis. Mediapart, organe de presse fondé par Edwy Plenel, a souvent été accusé par les détracteurs de l’islamologue de lui avoir servi de tribune, accusations rejetées par sa direction.
La tribune concernée n’en pose pas moins une vraie question: un autre justiciable accusé de «viols et de violences»,
«Il est de notre devoir aujourd’hui de nous inquiéter d’un traitement judiciaire d’exception» LETTRE DE SOUTIEN PUBLIÉE PAR MEDIAPART
comme Tariq Ramadan, aurait-il subi le même sort judiciaire? «Il est de notre devoir aujourd’hui de nous inquiéter d’un traitement judiciaire d’exception à l’endroit de Tariq Ramadan et de sonner l’alarme contre les motivations politiques qui pourraient contrevenir au bon fonctionnement de la procédure judiciaire et empêcher la vérité, quelle qu’elle soit», énonce le texte. Avant de conclure: «Il en va de notre intérêt à toutes et tous.»
D’autres fronts sont par ailleurs en train de s’ouvrir, surtout depuis l’appel public lancé la semaine dernière dans une vidéo d’Iman Ramadan, épouse franco-suisse de l’écrivain et professeur. En plus de défendre son mari – «un homme juste» –, celle-ci a confirmé «la maladie chronique sévère» (il s’agirait d’une sclérose en plaques) qui a conduit ses avocats, Me Yassine Bouzrou et Julie Granier, à demander son élargissement pour raisons médicales. La page Facebook «Free Tariq Ramadan» et une pétition sur la plateforme Change.org ont relayé les appels.
Deux thèses
Des démarches dont la justice n’a pas tenu compte, malgré un second message vidéo d’Iman Ramadan diffusé lundi, invoquant un certificat médical d’un médecin de la prison sur les «pathologies graves» dont souffre son mari. Déjà sollicités deux fois, les juges français ont estimé que l’état de santé du prévenu demeure compatible avec sa détention. Ses avocats ont proposé comme solution alternative pour leur client le port d’un bracelet électronique, le paiement d’une caution ou l’obligation de rester sur le territoire français avec remise de ses passeports suisse et égyptien aux autorités.
Qu’en déduire? Deux thèses s’affrontent. La première est celle des risques encourus si Tariq Ramadan sort de prison et peut communiquer avec ses partisans. Risque pour les deux femmes qui ont porté plainte contre lui et ont été auditionnées. Risque aussi pour d’autres victimes qui, depuis, ont accepté de témoigner, dont une Suissesse, selon Le Journal du Dimanche. La seconde thèse est celle d’une justice à charge, sous pression de l’opinion, dont le but est de condamner Tariq Ramadan avant même un éventuel procès. Or plus la polémique enfle sur les conditions de détention, et sur l’état de santé de l’islamologue suisse, plus ce second scénario risque de se propager…
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