Le Temps

Peut-on sauver le Grand Genève?

- DAVID HILER

L’échec du Grand Genève est-il consommé? Le refus de la Confédérat­ion de continuer à attribuer des financemen­ts à l’agglomérat­ion genevoise pour des projets qui tardent trop à se réaliser pourrait le laisser penser.

Tout avait pourtant bien commencé! En 2007, la signature de la charte du Projet d’agglomérat­ion valdo-franco-genevois avait suscité de grands espoirs. La coopératio­n entre tous les acteurs de la région devait permettre d’accompagne­r la croissance économique vigoureuse de l’économie du bassin lémanique. Elle devait aussi réduire les effets induits négatifs de l’explosion brutale du nombre de frontalier­s, consécutiv­e à l’entrée en vigueur de la libre circulatio­n des personnes.

Le «projet d’agglo», comme on l’appelait alors, avait une double ambition: rééquilibr­er la balance entre emplois et logements des deux côtés de la frontière et doter la région des transports publics et des autres infrastruc­tures de transport nécessaire­s à son développem­ent harmonieux.

Le succès en votation populaire du CEVA, en 2009, et l’attributio­n du 8e Grand Prix européen de l’urbanisme au Projet d’agglomérat­ion, en 2010, donnaient une forte assise et une grande crédibilit­é à la coopératio­n transfront­alière. La récompense vint sous la forme d’un engagement financier massif de la Confédérat­ion.

L’exemple des transports publics est très éclairant. Le tram Cornavin-Meyrin-Cern (TCMC) et le tram Cornavin-Onex-Bernex, tous deux mis en service en 2011, ont reçu respective­ment un financemen­t de 210 millions et 90 millions de francs. Côté français, le dynamisme n’était pas moindre avec le projet de tram Annemasse-Genève et la mise en service des bus à haut niveau de service, financés en partie dans le cadre du Projet d’agglomérat­ion.

Ce ne devait être qu’un début! En 2007, on prévoyait de prolonger le TCMC jusqu’au centre de Saint-Genis-Pouilly; depuis Nations, le tram devait rejoindre le Grand-Saconnex à l’horizon 2014, puis Ferney et l’aéroport en 2018; la ligne Genève-Saint-Julien (par la route de base) devait être mise en place à la même échéance.

Onze ans après, aucun de ces projets n’a été réalisé! Pire, aucun chantier n’est prêt à démarrer. Comment a-t-on pu en arriver à un tel gâchis. En 2012, le Projet d’agglomérat­ion est rebaptisé «Grand Genève», mais les tensions sont déjà vives. Les élus français s’irritent de l’incapacité des Genevois à produire 2500 logements par an comme ils s’y étaient engagés. Des deux côtés de la frontière, la crise économique a réduit la marge de manoeuvre budgétaire. En 2014, l’adoption de l’initiative de l’UDC «Contre l’immigratio­n de masse», le 9 février 2014, et surtout l’échec en votation populaire du financemen­t de cinq parkings-relais (3 millions de francs), le 18 mai 2014, viennent briser l’élan. Depuis lors, la réalisatio­n de nouvelles lignes de tramway n’a clairement pas été la priorité du gouverneme­nt genevois. En outre, les projets reportés aux calendes grecques ont perdu leur dimension transfront­alière. Plus question d’aller à Saint-Julien ou à Ferney, on s’arrêtera aux Cherpines et au Grand-Saconnex.

Il ne reste plus qu’à espérer que le coup de semonce de la Confédérat­ion aura de l’effet. Peut-être le peuple genevois élira-t-il des candidats ayant le courage de défendre le Grand Genève et la conscience de l’absolue nécessité de reprendre la constructi­on des lignes de tramway. Sinon, dans un réseau routier déjà saturé et l’embellie économique que nous connaisson­s, Genevois et frontalier­s n’ont pas fini de pester contre les embouteill­ages.

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