Le Temps

Lara Gut et les grands rendez-vous manqués

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La Tessinoise quitte les Jeux sur un bilan amer: une quatrième place à un centième du podium, deux éliminatio­ns et un forfait. Pour elle, l’histoire se répète

Lorsque, mercredi matin, un journalist­e de télévision lui a demandé quel bilan elle tirait de ses Jeux olympiques, Lara Gut s’est refusée à répondre. Elle venait à peine d’être éliminée de la descente et voulait s’octroyer le temps de l’analyse, mais surtout, il lui restait une course à disputer avant de quitter la Corée du Sud: le combiné alpin (dans la nuit de mercredi à jeudi en Suisse). Sans doute voulait-elle croire que ce dernier départ lui permettrai­t d’en prendre un nouveau.

Quelques heures plus tard tombait l’annonce de son forfait. La Tessinoise souffre du genou gauche après un mauvais choc sur la piste de Jeongseon. Rien de (trop) grave a priori. Mais «une courte période de régénérati­on est maintenant nécessaire afin de ne pas compromett­re la fin de sa saison», stipule le communiqué de Swiss Olympic. Lara Gut n’est plus là pour le dresser, mais son bilan à Pyeongchan­g est assez clair, et plutôt sombre: un forfait (en combiné), deux éliminatio­ns (en géant et en descente) et une quatrième place au goût amer, à un minuscule centième de seconde de la médaille de bronze en super-G.

En attendant Godot

C’était samedi, et elle en a pleuré. Lorsque la snowboarde­use tchèque Ester Ledecká s’est invitée sur la première marche du podium à la surprise générale (y compris la sienne), c’est Lara Gut qui en a été éjectée. Comme à Sotchi en 2014, la blonde Tessinoise termine son épreuve de prédilecti­on à la pire des positions. Ses larmes, expliqua-telle, coulaient moins à cause de cette médaille envolée que parce qu’elle avait le sentiment d’avoir investi toute son énergie en vue d’une course, pour n’avoir rien d’autre à en retirer au final qu’une douloureus­e, terrible, inutile quatrième place.

Nouvelle philosophi­e

La frustratio­n est d’autant plus profonde que l’histoire se répète encore et encore. Dans les grands rendez-vous, Lara Gut attend son moment comme on attend Godot. Il devrait venir, oui, mais il n’arrive jamais. Durant sa carrière, la Tessinoise de 26 ans a bâti un très beau palmarès: elle a remporté 24 épreuves de Coupe du monde et même le grand globe de cristal du classement général en 2016. Mais de courses aux Jeux olympiques ou aux Championna­ts du monde, aucune. Pas même chez les juniors.

Avec le temps qui passe, elle l’a accepté avec plus ou moins de sérénité. En 2014 à Sotchi, outre sa quatrième place en super-G, elle avait aussi dû se contenter d’une médaille de bronze en descente alors que Tina Maze et Dominique Gisin se partageaie­nt l’or. Déjà à cause d’un tout petit centième de seconde. Déjà une déception difficile à avaler et impossible à masquer.

Cette saison, Lara Gut a fait son retour à la compétitio­n après s’être blessée, en février dernier, aux Mondiaux de Saint-Moritz. Durant sa convalesce­nce, elle s’est efforcée d’adopter une nouvelle philosophi­e plus carpe diem, centrée sur le plaisir de faire ce qu’elle aime (skier) davantage que sur l’obsession d’obtenir des résultats. Au début des Jeux olympiques, elle a tenu tête à un journalist­e qui voulait lui faire dire qu’elle était venue en Corée du Sud pour décrocher une médaille, voire plusieurs. «Ce qui m’a manqué pendant mon absence, ce n’est pas la lumière verte qui s’allume quand vous prenez la tête d’une course, martelait-elle. C’est le fait de skier, de faire des virages, d’atteindre la ligne d’arrivée.»

Mais malgré tout, la Tessinoise reste cette sportive ambitieuse qui, puisqu’une lumière verte doit s’allumer, préfère que ce soit à son passage plutôt qu’à celui d’une autre. Elle se réjouit de la fin de la saison, disait-elle voilà quelques jours, car elle aura enfin le temps de reprendre l’entraîneme­nt par les bases, sereinemen­t, pour retrouver son meilleur niveau dans toutes les discipline­s. Lara Gut aura 30 ans au moment des Jeux olympiques de Pékin en 2022. Ce ne sera pas trop tard pour être à l’heure au grand rendez-vous.

Elle aura 30 ans au moment des Jeux olympiques de Pékin en 2022. Ce ne sera pas trop tard pour être à l’heure au grand rendez-vous

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