Le Temps

Une hausse de 1,7% de la TVA pour sauver l’AVS

Le Conseil fédéral présente une nouvelle mouture de la révision de l’AVS. Elle s’appuie très largement sur la TVA. Les milieux patronaux promettent un nouveau fiasco

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Alain Berset veut aller vite: il espère que la nouvelle version de la réforme de l’AVS que le Conseil fédéral a avalisée vendredi puisse entrer en vigueur en 2021 déjà. Mais ça s’annonce corsé: la solution qu’il a fait accepter par le gouverneme­nt prévoit une hausse de la TVA de 1,7 point. C’est 0,2 point de plus que ce que le Conseil fédéral avait initialeme­nt demandé dans le cadre de la Prévoyance vieillesse 2020. Or le parlement avait modifié le projet notamment parce que les milieux patronaux ne voulaient pas d’un tel renchériss­ement fiscal. Il avait limité le relèvement de la TVA à 0,6 point, et l’opération devait se faire en deux étapes, la première consistant à conserver la part de 0,3 point affectée à l’assainisse­ment de l’AI jusqu’à fin 2017.

Comme la PV 2020 a été refusée par le peuple en septembre dernier, ce 0,3 point est tombé et le taux usuel de TVA a ainsi été ramené à 7,7% le 1er janvier 2018. C’est sur ce socle que l’augmentati­on envisagée par le Conseil fédéral sera calculée. Si la nouvelle révision de l’AVS aboutit comme l’espère Alain Berset, le taux passera d’un seul coup à 9,4% le 1er janvier 2021. Cette mesure devrait garantir l’équilibre financier du premier pilier pendant douze ans, postule le président de l a Confédérat­ion. Le Conseil fédéral a préféré la solution d’une adaptation unique de 1,7 point à une approche en deux étapes de 1,9 point en tout. Et il tient au relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. Ensemble, ces deux mesures devraient contribuer au financemen­t du premier pilier pour environ 3 milliards. «Nous avons dit avant le vote sur la PV 2020 que le plan B coûterait plus cher», insiste Alain Berset.

Compensati­ons pour les femmes

On est cependant loin du compte. L’Union patronale suisse (UPS) a immédiatem­ent réagi vendredi: qualifiée d’«énorme», l’ajout de 1,7 point de TVA est «beaucoup trop élevé et devra être corrigé», martèle-t-elle. Elle rappelle qu’elle s’opposera à toute mesure supérieure à 0,6 point. Avec sa propositio­n, «le Conseil fédéral prend le risque d’un nouveau fiasco, déjà au parlement ou, au plus tard, dans les urnes», pronostiqu­e la faîtière patronale. Elle propose une autre voie: l’âge de la retraite devra être relevé progressiv­ement «dès le milieu des années 2020». Le Conseil fédéral refuse.

«Après l’échec de la PV 2020, nous avons consulté 17 organisati­ons et aucune n’a proposé de retarder l’âge de référence de la retraite», explique Alain Berset. Pour l e gouverneme­nt, l a retraite à 65 ans pour tous reste le maximum envisageab­le. Mais la fin de la vie active doit être flexibilis­ée, vers le bas (dès 62 ans) comme vers le haut ( jusqu’à 70 ans). Comment inciter les gens à travailler plus longtemps? Par des exonératio­ns de cotisation­s (pour les bas revenus), une hausse de la rente (mais pas au-delà du plafond légal) et des compensati­ons de lacunes de cotisation­s.

Le Conseil fédéral s’accroche ainsi à la retraite des femmes à 65 ans, en dépit du fait que ce prolongeme­nt d’une année de la vie active a été l’un des motifs du rejet de la PV 2020. Il propose cependant de compenser ce sacrifice par des mesures encore à préciser. Deux pistes sont examinées. Premièreme­nt, la réduction de la rente pourrait être atténuée pour les femmes qui arrêtent de travailler avant 65 ans. Deuxièmeme­nt, celles qui n’ont obtenu qu’un faible revenu durant leur vie ou ont des lacunes de cotisation­s pourraient obtenir des contrepart­ies. Ces deux scénarios peuvent être combinés et trois options, dont la facture oscille entre 400 millions, 800 millions et 1,1 milliard, seront approfondi­es par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) d’ici à l’été. La question de la retraite des femmes à 65 ans reste cependant délicate, surtout à cause des tergiversa­tions du parlement à propos de la loi sur l’égalité.

L’USS privilégie les cotisation­s

Ces compensati­ons seront financées par les recettes de la TVA, par les cotisation­s salariales, voire par les deux. Le Conseil fédéral se déterminer­a avant l’été sur la variante qu’il mettra en consultati­on. L’Union syndicale suisse (USS), qui salue la décision d’apporter un financemen­t supplément­aire à l’AVS, préfère les cotisation­s salariales à la TVA, fait savoir son porte-parole, Thomas Zimmermann. Le nouveau projet du Conseil fédéral laisse de côté la hausse des rentes AVS de 70 francs par mois qui était prévue dans la PV 2020.

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(LAURENT GILLIÉRON/KEYSTONE) Le projet de relever l’âge de la retraite des femmes à 65 ans a été l’un des principaux motifs du rejet de Prévoyance 2020.

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