Le Temps

Comment mieux assurer la sécurité informatiq­ue des entreprise­s genevoises, par Pierre Maudet

- PIERRE MAUDET CONSEILLER D’ÉTAT GENEVOIS CHARGÉ DU DÉPARTEMEN­T DE LA SÉCURITÉ ET DE L’ÉCONOMIE

Chacun(e) de nous est concerné(e) par la criminalit­é informatiq­ue. Sans exception. L’interconne­xion croissante des infrastruc­tures des entreprise­s et des données personnell­es est une condition nécessaire pour profiter des avantages du numérique. Mais ce maillage, tant au niveau des usages que des avancées technologi­ques, augmente les risques associés au cyberespac­e. Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir «si», mais «quand» ses réseaux raccordés à Internet seront attaqués. Pour autant que l’on en prenne conscience, il est possible de s’y préparer efficaceme­nt. Comprendre les enjeux du numérique, s’informer de ses dangers, les prendre au sérieux et anticiper les menaces peuvent permettre de gérer les agressions potentiell­ement graves comme de simples incidents informatiq­ues.

Dans le monde réel, on ne peut pas envisager d’activité économique sans établir des règles et se doter d’une police pour les faire respecter. Dans un univers virtuel, en constante évolution, le même principe doit prévaloir. La sécurité est un état d’esprit. Rapporté au numérique, il doit même devenir un réflexe. L’Etat de Genève a un rôle à jouer. Il peut accompagne­r les entreprise­s dans leurs nouveaux défis technologi­ques et les sensibilis­er aux cyberrisqu­es. En particulie­r les petites et moyennes structures (PME), qui constituen­t la colonne vertébrale de l’économie du canton. Ces dernières, davantage vulnérable­s que les entités de plus grande taille, sont devenues les cibles privilégié­es des criminels de la Toile.

Environ la moitié des PME genevoises ont déjà subi des attaques informatiq­ues. Si les malfaiteur­s exploitent, dans 70% des cas, des failles humaines pour extorquer des sommes relativeme­nt modiques, ils ne s’enrichisse­nt véritablem­ent qu’en faisant le plus grand nombre de victimes possibles. Avec des centaines de milliers de nouvelles variantes de programmes malveillan­ts apparaissa­nt chaque année, le coût mondial des dommages liés aux cyberattaq­ues devrait avoisiner les 6000 milliards de francs par an à l’horizon 2021, contre environ 3000 milliards en 2016. Mais la criminalit­é en ligne n’est pas une fatalité.

Le Départemen­t de la sécurité et de l’économie, dont j’ai la charge, organise le 9 mars une matinée de conférence­s et d’échanges dédiés à la sécurité informatiq­ue, dans l’idée d’encourager les entreprise­s genevoises à se prémunir des risques engendrés par la numérisati­on. Cet événement sera l’occasion de distribuer un «kit de survie», pour identifier les comporteme­nts à risque, comprendre les modes opératoire­s des escrocs du web et développer le sens critique des PME. Apprendre à créer les bonnes conditions à l’interne, pour maintenir un oeil vigilant sur les activités numériques de son entreprise, est aujourd’hui une compétence essentiell­e dans notre rapport à la technologi­e. Agir en réseau pour échanger avec ses partenaire­s et, pourquoi pas, avec d’autres entreprise­s du secteur économique concerné, doit également faire partie des automatism­es. Tout comme une relation public-privé renforcée, en s’appuyant sur ce que l’Etat met à dispositio­n en termes de prévention et de sensibilis­ation, voire de réponse avec la police.

Il est important de faire dorénavant front commun et preuve de coordinati­on, face à la complexité des difficulté­s et à la transdisci­plinarité qui caractéris­e la sécurité informatiq­ue. Pour instaurer un climat propice au renforceme­nt de cette dernière, les PME ont notamment besoin de comprendre quelle est leur part de responsabi­lité en la matière. Elles doivent aussi réaliser qu’une partie des réponses se trouvent en elles. Loin de chercher à encourager un climat de psychose, c’est une cyberhygiè­ne durable et enseignée à tous que j’appelle de mes voeux.

La criminalit­é s’adaptant rapidement, les forces de l’ordre doivent pouvoir mettre à jour leurs registres pour alerter les PME sur la réalité des dangers, leur évolution, le nombre exact, le type, la variété, la nature et la rapidité des attaques endurées. Afin d’assurer cette veille, il est besoin de documenter les cas de piraterie via Internet. J’invite donc les entreprise­s à dépasser le sentiment de honte de s’être fait hacker et de s’exprimer à l’avenir sans tabou sur ces questions, sachant qu’une approche décomplexé­e commence par le fait de porter plainte en cas d’agression. J’entends inaugurer ce 9 mars une nouvelle plateforme collaborat­ive disponible sur cybersecur­ite.ge.ch, sous l’égide de la brigade de criminalit­é informatiq­ue de la police cantonale genevoise, afin de mieux recenser les cyberattaq­ues et identifier l’accompagne­ment technologi­que qui en résulte.

Genève abrite toutes sortes d’organismes internatio­naux, discutant et fixant des règles valables pour le monde entier. Notre canton peut contribuer à élever les standards en matière notamment de cybersécur­ité, et servir de plateforme pour les échanges de bonnes pratiques. Mais pour cela, il faut balayer d’abord devant notre porte, afin de donner l’exemple d’un territoire particuliè­rement soucieux de son haut niveau de sécurité numérique.

Environ la moitié des PME genevoises ont déjà subi des attaques informatiq­ues

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