Le Menuhin Festival de Gstaad sur une note alpine
La 62e édition estivale, placée sous le signe des montagnes suisses, crapahute entre fidélités, nouveautés et jeunesse. Présentation commentée par le directeur, Christoph Müller
Ce n’est pas parce que les cimes environnantes font partie du paysage qu’il faut les oublier. Voilà une évidence que Christoph Müller, responsable depuis 2002 du célèbre festival Menuhin de Gstaad, a choisi de replacer au centre du village. Les Alpes, voilà la thématique de la 62e édition. Une idée trop simple?
«Pour moi, pas du tout. Cette thématique s’est imposée quand j’ai remarqué qu’elle n’avait jamais été utilisée à Gstaad. Ce qui prouve que la simplicité n’est pas si simple… Nous avons donc imaginé une programmation autour de cette phénoménale force de la nature que représentent les montagnes, et l’influence qu’elles ont exercée sur les compositeurs du XIXe siècle», précise le directeur du festival. Comment donc?
«Il s’agissait de montrer pourquoi et comment les grands romantiques ont développé une relation aussi forte avec les Alpes suisses. Brahms, par exemple, a séjourné deux étés à Thoune. Nous avons programmé l’intégrale des oeuvres qu’il a créées là-bas, soit un ensemble de 12 pièces réparties sur cinq concerts. La Symphonie alpestre de Strauss ou la Symphonie Manfred de Tchaïkovski, d’après le drame de Lord Byron qui se déroule au coeur de la Jungfrau, se sont aussi imposées.» La musique de chambre n’échappe pas au sujet: un cycle consacré à l’influence du folklore alpin sur les Lieder de Schubert a aussi été conçu.
Des saisons pour adoucir la montagne
Un autre thème vient adoucir la montagne: celui des saisons. Elles ouvriront le festival avec trois concerts organisés autour de différentes versions de leur représentation musicale. Il y aura évidemment celles de Vivaldi, que le violoniste Daniel Hope reliera à une «recomposition» de Max Richter. Puis le grand oratorio de Haydn sera dirigé par Paul McCreesh dans une traduction anglaise, inspirée de la conception originale. Enfin, le bandonéoniste Mario Stefano Pietrodarchi et le violoniste Andres Gabetta accompagné de sa Cappella mettront en regard la célèbre composition instrumentale du grand prêtre roux avec Cuatro Estaciones Porteñas d’Astor Piazzola.
Evidemment, avec quarante-six concerts en un mois et demi, les occasions ne manqueront pas de se laisser surprendre ou séduire. Les créations s’invitent à l’affiche avec la mise au concours sur Facebook d’un duo pour violon et violoncelle, qui sera interprété par Patricia Kopatchinskaja et Sol Gabetta. Pas moins de quarante-cinq compositions ont été reçues! La sélection est en cours. Et le Hongrois Peter Eötvös a lui aussi été sollicité pour une oeuvre destinée aux deux solistes.
Une jeune violoniste «coup de coeur»
Du côté des interprètes, il y aura quelques nouveaux venus, à part les nombreux jeunes talents et stars montantes. Leurs noms? Les violonistes David Garrett, Janine Jansen et Nemanja Radulovic. Ce dernier, qui n’aime rien tant que traverser les frontières musicales, interviendra notamment avec l’accordéoniste Ksenia Sidorova dans un concert très métissé.
Première venue aussi pour les pianistes Denis Matsuev et Beatrice Rana, la trompettiste Lucienne Renaudin Vary et la très prometteuse violoniste Veriko Tchumburidze, 1er prix du Concours Wieniawski 2016 et véritable coup de coeur du directeur.
Il serait trop long d’énumérer tous les musiciens prestigieux qui répondent à l’appel, parmi lesquels Daniil Trifonov, Valery Gergiev, Jonas Kaufmann, Hélène Grimaud, Olga Peretkyatko, Nigel Kennedy ou Juan Diego Florès font figure d’habitués.
Mais on ne ratera sous aucun prétexte les rendez-vous avec les cinq académies du festival ou les multiples autres activités formatrices et leurs concerts associés. Avec un intérêt tout particulier pour l’orchestre d’amateurs adultes de plus en plus prisé, qui ouvre les portes de la pratique instrumentale à des générations souvent délaissées par les activités festivalières. On ne peut que s’en réjouir.
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«Il s’agit de montrer pourquoi et comment les grands romantiques ont développé une relation aussi forte avec les Alpes suisses»