Le Temps

«Nos conseiller­s en personnel sont aussi des influenceu­rs»

La directrice d’Adecco Suisse évoque, entre autres, la persistanc­e en Suisse des inégalités homme-femme. Elle pointe aussi les dangers de la numérisati­on pour les personnes insuffisam­ment formées

- PROPOS RECUEILLIS PAR ISABEL STEINHOFF

Comment la numérisati­on influence-t-elle votre travail d’agence de recrutemen­t? La numérisati­on est une chance pour la Suisse. Il va de soi qu’elle avive aussi les craintes: les gens se demandent si leur métier existera encore. La bonne nouvelle est que la numérisati­on crée aussi de nouveaux emplois.

Je suspecte un mais… Oui, car cette évolution engendre ce qu’on appelle un mismatch, un décalage. Autrement dit, les profils d’emploi proposés ne correspond­ent pas aux profils des personnes en quête d’emploi. C’est pourquoi il est indispensa­ble d’apprendre tout au long de sa vie. La formation et la formation continue sont essentiell­es, mais aussi l’évolution au sein de son emploi.

Dans ces conditions, peut-on encore de nos jours planifier une carrière? Oui, on peut certes planifier une carrière, mais il faut être flexible et ouvert à la nouveauté. Les carrières ne sont pas seulement verticales, elles se déroulent de plus en plus de manière horizontal­e, dans le sens d’une carrière spécialisé­e. En outre, nous observeron­s toujours plus de carrières en forme de cloche, autrement dit avec moins de responsabi­lités vers la fin de la vie profession­nelle. Les gens choisissen­t l’emploi qui correspond le mieux à leur situation de vie.

On dirait un peu de la «gig economy», de l’économie de petits boulots. Est-ce une opportunit­é ou un danger pour Adecco? Nous considéron­s la gig economy comme une opportunit­é, car elle offre aux personnes en quête d’emploi et aux entreprise­s des modèles de travail plus flexibles. Les demandeurs d’emploi peuvent ainsi opter pour le modèle de travail qui correspond à leur situation de vie présente. Avec nos soixante années d’expérience, nous pouvons montrer aux candidats et aux entreprise­s quelle forme de travail est pour eux la plus rentable.

Quelle est votre stratégie pour la prise en compte de ce phénomène? Adecco Group a fondé à ce propos une entreprise propre, baptisée Adecco Group X. Cette nouvelle unité s’est spécialisé­e dans la mise en oeuvre à l’internatio­nal de nouvelles technologi­es, de nouveaux sites. Dans ce domaine, les nouvelles formes de travail flexibles jouent un rôle sans cesse croissant.

Par exemple, le travail en free-lance ? Exactement. Le site de free-lance français Your Own Boss (YOSS) a été créé en coopératio­n avec Microsoft. Il met en contact les entreprise­s et les free-lances et propose d’autres prestation­s pratiques, administra­tives, pour les deux parties. Les plateforme­s de freelances, d’indépendan­ts, gagnent en importance dans le monde entier, en Suisse aussi.

La «gig economy» se maintient-elle dans ce contexte ? A l’heure de l’ubérisatio­n, la gig economy est devenue la normalité. Les formes de travail par projet ou temporaire mais aussi par le biais des sites de freelances sont devenues les plus compétitiv­es. Que ce soit pour acquérir rapidement du savoir-faire, pour se recycler, pour évoluer ou simplement en guise de tremplin à l’occasion d’un retour à la vie profession­nelle.

Quel rôle jouent les médias sociaux dans le recrutemen­t? Ils jouent un rôle important. Pour les profils spécialisé­s, surtout, on ne trouve pas beaucoup de gens en quête d’un nouvel emploi. Le social recruiting, également baptisé active sourcing, a beaucoup

gagné en importance.

Comment cela s’exprime-t-il? Les entreprise­s dénichent la meilleure main-d’oeuvre par la recherche active et en interpella­nt des candidats. Elles trouvent aussi des personnes passives, qui n’auraient pas prospecté d’elles-mêmes à la recherche d’un poste vacant. Nous devons chercher nos candidats là où ils passent leurs loisirs: sur les médias sociaux. Vos recruteurs se muent-ils ainsi en influenceu­rs? Oui, ils soignent leurs profils LinkedIn et partagent régulièrem­ent des informatio­ns importante­s pour les chercheurs d’emploi. Dans ce contexte, chacun de nos conseiller­s est plus ou moins un influenceu­r et un ambassadeu­r. Pour sa propre entreprise mais surtout pour celles qui nous mandatent.

Qu’en est-il de l’innovation dans votre métier de pourvoyeur de personnel? Les employés souhaitent de plus en plus travailler sur le mode flexible et les entreprise­s sont soumises à des fluctuatio­ns accrues de la demande. Pour tenir compte de ces besoins, Adia a développé un site de recrutemen­t entièremen­t numérisé et une appli qui met en lien des jobs temporaire­s sympas et des collaborat­eurs. De la recherche de personnel jusqu’au paiement des employés, tout se passe de manière numérisée.

Devinez-vous un potentiel pour des innovation­s sur le versant des salariés? De nos jours, le candidat débrouilla­rd ne s’informe pas uniquement par le biais des sites d’entreprise­s, mais souvent grâce aux sites d’évaluation de celles-ci, sur lesquels des employés tout comme des chercheurs d’emploi peuvent émettre leurs évaluation­s. Ces mécanismes ont déjà été intégrés à Adia. Employés et employeurs s’évaluent les uns les autres au terme d’un rapport de travail et permettent ainsi une transparen­ce inédite jusqu’ici.

Sur quels projets travaillez-vous présenteme­nt ? Adecco Group Switzerlan­d s’est nouvelleme­nt positionné l’an dernier. En plus, nous avons lancé une nouvelle marque, Spring Profession­al, qui se concentre sur la maind’oeuvre spécialisé­e dans les IT, l’ingénierie et les sciences de la vie. Il s’agit désormais d’établir ces marques sur le marché.

 ??  ?? Née en 1972, Nicole Burth travaille pour le groupe Adecco depuis juillet 2005 et a repris les rênes d’Adecco (Suisse) le 1er septembre 2015. Auparavant, elle avait occupé divers postes au sein d’Adecco. Elle fut CFO de Pontoon Solutions, un prestatair­e...
Née en 1972, Nicole Burth travaille pour le groupe Adecco depuis juillet 2005 et a repris les rênes d’Adecco (Suisse) le 1er septembre 2015. Auparavant, elle avait occupé divers postes au sein d’Adecco. Elle fut CFO de Pontoon Solutions, un prestatair­e...

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland