Le Temps

Un 8 mars pas comme les autres

- ÉLÉONORE SULSER @eleonoresu­lser

Le 8 mars n’est enfin plus le seul jour de l’année où la société se pose la question des droits des femmes. Pour la première fois depuis bien longtemps, ce jour s’inscrit dans une continuité. Il prend sa place dans une longue série de discussion­s, de regards, de prises de parole, d’avancées, de combats, de débats, qui, depuis que l’affaire Weinstein a lancé le phénomène #MeToo, a remis la question des femmes au premier plan.

La Journée internatio­nale des femmes n’est plus un passage obligé, une sorte d’anniversai­re convenu, mais devient un élément d’une vague plus forte, plus profonde, qui a amené des pans entiers de la société – du moins en Occident – à se réappropri­er les questions féministes.

Certains y verront peut-être un phénomène de mode. Hollywood dénonce le sexisme et tout le monde suit les stars dans leur combat contre les abus, comme on adopterait leurs coupes de cheveux. Le marketing ne s’y est pas trompé, qui enfourche à son tour la cause féministe à grand renfort de slogans et de t-shirts imprimés. Et il est de bon ton dans les entreprise­s de promettre l’égalité et de l’afficher tout en perpétuant en sourdine l’ordre ancien.

L’affaire Weinstein à elle seule n’aurait pas pu revivifier en profondeur un mouvement qui paraissait en perte de vitesse ces dernières années, au point que nombre de militantes historique­s, constatant que leurs petites-filles refusaient de se dire féministes et jugeaient un peu vite que tout était acquis, se demandaien­t si leur combat n’allait pas sombrer.

Une nouvelle génération en a décidé autrement. Elles sont militantes, sociologue­s, écrivaines, blogueuses, illustratr­ices, journalist­es, actrices, humoristes, militantes, bédéastes, cinéastes ou vidéastes. Elles sont vivantes, pugnaces, drôles, irrévérenc­ieuses ou provocante­s, comme l’étaient leurs aînées. Elles interpelle­nt, avec humour et pédagogie, se battent avec véhémence ou joyeusemen­t, empoignent vigoureuse­ment d’anciens et de nouveaux tabous. Elles ne sont pas toujours femmes: beaucoup d’hommes partagent et propagent ces idées.

Annie Ernaux disait, il y a quelques années, qu’elle sentait autour d’elle une sorte de «chaîne invisible, constituée aussi bien de femmes réelles que des femmes imaginaire­s venues de lectures, de films». Cette solidarité d’idées, d’inspiratio­ns semble aujourd’hui renforcée, plus seulement pour la romancière, mais pour toutes et tous. Reste à savoir si, dans les faits, les droits et l’égalité suivront. Si l’on parviendra à passer du discours et de l’écoute aux actes.

Reste à savoir si, dans les faits, les droits et l’égalité suivront

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