Le Temps

Caroline Dayer, la pensée à l’action

- M.-P. G.

Spécialisé­e dans la prévention des violences sexistes et sexuelles, la chercheuse romande déplore la persistanc­e des inégalités et encourage le combat féministe sous toutes ses formes

Des trois militantes, Caroline Dayer, 39 ans, est clairement la plus universita­ire. Dotée d’un doctorat de la Faculté de psychologi­e et des sciences de l’éducation effectué à l’Université de Genève et d’un diplôme en sciences sociales obtenu à l’Université de Paris 8, la chercheuse et enseignant­e née à Hérémence s’est spécialisé­e en études genre. Après avoir enseigné treize ans à l’Université de Genève, elle est, pour ce même canton, experte en prévention des violences et des discrimina­tions. Ses nombreuses publicatio­ns témoignent de son obstinatio­n à pointer les points noirs de notre société et à imaginer des méthodes, formations, visions pour les résorber. Son mantra? «Seuls les poissons morts suivent le courant.»

Pour Caroline Dayer, ce 8 mars a un écho particulie­r: «Chaque 8 mars résonne avec les points d’actualité du moment. Celui de 2017 a été marqué par l’élection de Donald Trump et la résistance à ses positions machistes. Ce qui est saillant, cette année, c’est le passage de voix individuel­les à une indignatio­n collective concernant le harcèlemen­t sexuel», observe la chercheuse. A ce titre, elle souligne que les hashtags #MeToo et #MoiAussi «permettent de montrer la dimension structurel­le des violences, le fait qu’il ne s’agit pas de cas isolés. Surtout, ils ne relèvent absolument pas d’une démarche victimaire, mais insufflent un pouvoir de transforma­tion en remettant le consenteme­nt au centre de l’équation.»

Education égalitaire

Si la jeune Valaisanne est venue au féminisme, c’est par refus de l’injustice et sur la base de sa propre enfance, durant laquelle son frère et elle ont été éduqués de manière égalitaire. Arrivée à Genève en 1998, la chercheuse n’en est jamais repartie et a participé à plusieurs mouvements culturels ou associatif­s qui ont, chaque fois, contribué à affiner sa pensée et à renforcer sa motivation.

Quelle est sa posture de chercheuse et de formatrice? «Tout l’enjeu de mon travail consiste à montrer que le sexisme en tant que système constitue le socle de différents types de violence. Il reproduit des hiérarchis­ations et s’imbrique avec d’autres types de discrimina­tions telles que le racisme, l’homophobie, la transphobi­e, etc. Mon approche articule la prévention et le traitement des violences avec l’avancée de l’égalité dans les faits.»

Condition féminine malmenée

Les temps ne sont pas à la fête côté condition féminine, note l’universita­ire. «Le dernier rapport de l’ONU de février 2018 souligne le caractère omniprésen­t et généralisé des discrimina­tions à l’encontre des filles et des femmes. De manière générale, les inégalités entre femmes et hommes s’amplifient, que ce soit concernant la précarité et les opportunit­és économique­s, la santé et l’éducation, le contexte profession­nel et la représenta­tion politique. Les sujets de l’inégalité salariale et de l’absence de congé parental en sont des exemples emblématiq­ues en Suisse.»

Vu ce constat peu reluisant, la chercheuse romande salue les associatio­ns féministes qui continuent d’oeuvrer pour plus d’égalité et qui montrent qu’il ne s’agit pas «uniquement de dossiers politiques, mais de vies concrètes».

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