Le Temps

Passe d’armes entre les cliniques privées et Mauro Poggia

- LAURE LUGON ZUGRAVU @LaureLugon

GENÈVE Les cliniques privées ont écrit aux députés du Grand Conseil pour fustiger le traitement qui leur est réservé par le conseiller d’Etat Mauro Poggia. Ce dernier les accuse de lobbyisme

Les cliniques privées genevoises font feu sur le ministre Mauro Poggia. Dans une lettre ouverte envoyée aux députés fin février, l’Associatio­n des cliniques privées de Genève fustige la politique des quotas du canton, qui limite le nombre d’assurés de base pouvant être hospitalis­és en privé. A l’appui de leurs récriminat­ions, elles s’appuient sur un comparatif du surveillan­t des prix concernant les tarifs des implantati­ons de prothèses de genou à Genève. Où l’on apprend que celles-ci coûtent 18600 francs dans les cliniques privées, contre 20700 francs aux Hôpitaux universita­ires de Genève (HUG). La preuve, selon elles, qu’une plus large intégratio­n des cliniques dans la planificat­ion de la santé serait source d’économies pour l’Etat.

La réponse du berger à la bergère n’a pas tardé. Le conseiller d’Etat leur a répondu vertement mardi, par lettre. Pour le diagnostic général, il invoque le canton de Zurich, dont le budget dédié aux hôpitaux aurait augmenté de 324 millions de francs entre 2011 et 2012, pour n’avoir pas limité le volume des prestation­s aux assurés de base dans les cliniques privées. Le ministre critique aussi le manque de transparen­ce des cliniques et, surtout, leur propension à sélectionn­er les cas qui rapportent et les autres. A l’appui de sa thèse, le fait notamment que la proportion de patients âgés de plus de 80 ans dans les cliniques tombe à 20%, quand elles traitent 28% des hospitalis­ations. Mais les chiffres sont têtus et, pour le cas précis de la prothèse du genou, les cliniques sont moins chères. Comment l’expliquer? A cause des pathologie­s complexes qui reviennent aux HUG, explique le ministre, et en raison, aussi, des coûts supplément­aires engendrés par un hôpital universita­ire. Il ajoute que ce tarif peut être considéré comme un produit d’appel.

«Je déplore ce prosélytis­me des cliniques»

Ces échanges d’amabilités intervienn­ent dans un contexte préélector­al très chaud sur le dossier de la santé, et le siège du MCG Mauro Poggia est convoité. «Cette circulaire envoyée aux députés, en dehors de toute actualité législativ­e, symbolise l’entrée d’un lobby au parlement cantonal, s’indigne-t-il. Je déplore ce prosélytis­me des cliniques à l’ensemble des députés.» Pourquoi alors s’être prêté au jeu de la réponse? «Vous connaissez l’adage, «qui ne dit mot, consent». Je ne pouvais laisser les parlementa­ires dans le doute.» Pour le président de l’Associatio­n des cliniques privées, Gilles Rufenacht, ce ne sont pas les cliniques qui ont porté l’estocade: «Notre courrier est une réponse aux attaques de Mauro Poggia dans les médias, qui nous soupçonne de sélectionn­er les patients selon la rentabilit­é. Une affirmatio­n gratuite et infondée.»

La députée PLR et candidate au Conseil d’Etat Nathalie Fontanet vole à son secours: «Cette réponse est indigne d’un magistrat, qui doit travailler dans l’intérêt public et des patients. Or Mauro Poggia s’est mis à dos les médecins et les cliniques, au lieu de rassembler tous les prestatair­es dans un véritable projet de planificat­ion.» Et si les cliniques ne jouaient pas le jeu, en triant les cas lucratifs? Nathalie Fontanet répond par une autre question: «Qu’est-ce qui empêchait Mauro Poggia de leur fixer des obligation­s dans le cadre d’une collaborat­ion?» Il faut dire que les cliniques ont trouvé une oreille bienveilla­nte au PLR qui, dans son programme santé 2018, milite pour un partenaria­t public-privé. Gilles Rufenacht ne s’en cache pas: «Nous ferons des recommanda­tions politiques basées sur l’Entente.» Face à un ministre qui s’oppose à une libéralisa­tion complète du secteur de la santé, le dialogue semble définitive­ment rompu.

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